Si vous faites partie, comme moi, de ces gens à qui les voyages trop organisés font peur, vous serez forcément confrontés à quelques déconvenues.
Le monde moderne nous tient tous désormais en laisse électronique via internet. Une laisse qui nous impose, malgré nous, de tout savoir et avoir vu d’un endroit avant même d’y avoir jamais mis les pieds.

De ma terrasse romaine, j’aperçois (et vice-versa) les touristes qui s’agglutinent sur les balcons du parc de la Villa Borghese. La plupart d’entre eux se trouvent là certes pour déambuler dans la verdure, certains aussi pour y faire leur footing, comme l’acteur Owen Wilson que j’ai croisé hier en bas de chez moi, mais aussi principalement pour y visiter la Galleria réputée comme le plus beau musée de la ville, ainsi que l’Académie Nationale de France, l’illustre Villa Médicis.

Or pour pénétrer dans ces deux sanctuaires, point de salut sans réservation. Inconscient que je suis, j’appelle le vendredi pour tenter d’y trouver un créneau le week-end. Le serveur vocal me renvoie au mardi suivant à 17h… Soit un jour après le retour en France de mon épouse, et en plein horaire de cour d’italien pour moi. Bref nous ne verrons pas encore cette fois-ci la Villa Borghese.

Pas découragés pour autant, nous nous mettons en route ce dimanche matin pour le parc, espérant avoir plus de chance avec la visite guidée de 11h à la Villa Médicis, que nous n’avons pas contacté au préalable, incorrigibles que nous sommes. Nous avons trente minutes à tuer et découvrons qu’une partie du parc, Piazza di Siena, a été investi par un concours hippique. J’ai lu, la veille dans le cahier « Roma » de Repubblica que les places s’y achètent de 23 à…320 euros. Tout le monde ne s’appelle pas Owen Wilson.

Là encore, un peu échaudés et pris par le temps, ne pouvant contourner la zone interdite aux badauds sans tickets, nous rebroussons chemin et nous dirigeons vers la villa des artistes. Là-bas, engagés dans la file d’attente de la billetterie, squattée par un groupe de français, qui eux ont pourtant réservé, notre tour arrivé, il est déjà trop tard. Nous sommes renvoyés vers une autre visite, en fin d’après-midi. Peccato ! Adieu Borghese, adieu Médicis, nous repartons, accompagnés par la pluie en direction des jardins du Quirinale et du quartier Barberini.

A Rome, tous les monuments ne se visitent pas aussi facilement que le Panthéon. (Photo P.N)

A Rome, tous les monuments ne se visitent pas aussi facilement que le Panthéon. (Photo P.N)

A Rome, l’art est partout et il ne se refuse pas à qui le cherche vraiment. Mais notre mésaventure me laisse à penser que ceux qu’il n’attire pas forcément en premier choix, ne verront jamais sculptures et autres œuvres majeures de notre civilisation dans un tel contexte de réservations « recommandées » voire « obligatoires ». Loin de battre en retraite, nous partons donc loin des sentiers battus par « les organisés », sur un curieux axe qui nous conduit de la Via Trinità dei Monti à la Piazza Barberini.

Ne croyez pas que les dimanches sont plus calmes que les autres jours en mai à Rome. Le flot de touristes y est ininterrompu et les voitures, certes moins nombreuses, y roulent simplement plus vite et n’hésitent pas à emprunter les rues du centre. Notre périple n’a donc rien d’une promenade à la campagne mais nous ne l’avions jamais envisagé ainsi.

N’ayant pas visité de musée lors de ma première semaine en solitaire et n’étant pas, je l’avoue, un grand fan de l’Antiquité, j’avais notamment ciblé la Galleria Nazionale d’Arte Antica. Contrairement à ce que son nom indique, elle renferme des œuvres du Moyen-Age et de la Renaissance, notamment la jeune boulangère, amante de Raffaello, qui fait d’ailleurs la Une de la brochure de présentation de l’établissement.

Fontaine des quatre fleuves de Bernin, piazza Navona. (Photo P.N)

Fontaine des quatre fleuves de Bernin, piazza Navona. (Photo P.N)

Passé la Piazza Barberini, nous y voilà. La façade du bâtiment principal en impose, le jardin qui y mène est plutôt agréable et bien entretenu. En revanche, l’autre côté de l’édifice est beaucoup moins reluisant, avec ses murs décrépis, ses parterres en jachère, des ailes fermées par des portes bringuebalantes. Paysage de désolation et d’abandon, rare dans le cœur de la cité.

 

Autre contrariété, aujourd’hui ne se visite que le premier étage. Adieu donc les peintres napolitains, la Rome de la Renaissance et le baroque sublime de Bernin. Mais heureusement, une exposition temporaire est consacrée à ce peintre et architecte de génie dans une autre aile du musée. Stupéfiant entre autre de voir ses plans de la façade de la Basilique Saint-Pierre et des colonnes jouxtant la place centrale du Vatican.

 

Comment un seul cerveau humain peut-il à la fois concentrer une telle technicité et autant de génie créatif ? Notre journée artistique est sauvée ! Borghese et Médicis attendront, joyaux dévorés par le tourisme des temps modernes et inatteignables par les ennemis de l’agenda permanent comme moi.

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.