Qu’espèrent les autorités françaises à ainsi fermer leurs frontières ? Que veut exactement Bernard Cazeneuve quand il demande aux autorités italiennes de prendre en charge ces migrants qui apparemment ne le concernent pas ? Où sont passés les grands principes européens ?

Toutes ces questions, il faudra bien se les poser une fois le soufflet de l’actualité retombé. A moins que cet amoncellement de migrants à la frontière franco-italienne ne se prolonge voire ne se développe telle une maladie honteuse que nous voudrions cacher. Et pourquoi pas un nouveau Sangatte tant que nous y sommes.

Sauf que nous français, cette fois-ci, sommes du bon côté de la ligne et refoulons le « problème » chez notre voisin transalpin. Faire dormir des êtres humains sur des rochers et sous les orages, est-cela l’image que nous voulons donner de notre continent à ces migrants venus frapper à notre porte ?

Est-ce également ainsi que nous voulons répondre à l’appel lancé par l’Italie à l’Europe lorsqu’elle prévenait qu’elle ne pourrait plus gérer longtemps toute seule toute la misère du monde qui arrive sur ses côtes ?

Nicolas Sarkozy, lui, en réunion publique dans le Val d’Oise a comparé, très maladroitement, la situation à une fuite d’eau : « Dans une maison, il y a une canalisation qui explose, elle se déverse dans la cuisine. Le réparateur arrive et dit : J’ai une solution. On va garder la moitié pour la cuisine, mettre un quart dans le salon, un quart dans la chambre des parents et si ça ne suffit pas, il reste la chambre des enfants ».

Sandro Gozi, Secrétaire d’état italien aux Affaires Européennes rétorque sur Facebook : « Dommage que ce soit lui qui ait cassé la canalisation en faisant la guerre en Lybie sans savoir que faire après la guerre ».

Autrefois, le nom de la gare de Vintimille scandée dans les haut-parleurs de la SNCF m’inspirait les vacances à la frontière italienne, ligne de partage entre mes deux cultures. Aujourd’hui, la gare ressemble sur les photos de presse à un camp de réfugiés. Elle est désormais cernée par les fourgons de gendarmerie ou de CRS.

« A Nice, j’ai vu des Erythréens avec des petits enfants munis de billets de train pourtant empêchés de monter dedans par des policiers » s’insurge une militante des droits de l’homme dans Le Monde de ce vendredi. Contrôlés dans les trains ou dans la rue, 1439 migrants ont été interpelés en sept jours la semaine dernière dans les Alpes-Maritimes dont 1097 « réadmis » en Italie.

Ceux qui veulent chasser ces migrants n’ont évidemment jamais connu l’exil. A la radio, Robert Badinter dépeint un peuple français replié sur lui-même et qui devient indifférent à la misère de l’autre. Pas étonnant, il fait bon vivre chez nous ! Est-ce indécent de l’avouer ? Nous sommes bien chez nous et dans la plupart des cas, jamais rien dans l’histoire ne nous a obligés à quitter notre sol.

Les Italiens, eux, ont vu leur pays se vider de la moitié de ses âmes en moins d’un siècle. Cette jeune patrie connaît la douleur du partir. Mais devons-nous être forcément insensible à ce qu’on n’a pas subi ? Bien sûr que non. Alors tendons la main à ces réfugiés. La France n’est pas forcément contre mais sous conditions. Elle s’oppose en revanche au mode de répartition que veut lui imposer l’U.E et elle le répétera lors du conseil européen d’aujourd’hui et demain. En première ligne, la Grèce et l’Italie veulent au contraire que l’on augmente le nombre de demandeurs d’asile à répartir. Ces quatre-là vont être durs à accorder.

Et Matteo Renzi, une fois de plus, de dégainer la phrase qui tue : « Si nous sommes contraints de le faire seuls, nous ne nous défilerons pas. Nous ne renoncerons pas à sauver ne serait-ce qu’une vie. La vie vaut plus qu’un sondage”. L’Italie a accueilli 60 000 migrants depuis le début de l’année. Mais pas d’angélisme, selon La Stampa, ce même Premier Ministre italien aurait comme « plan B » aux côtés des britanniques d’établir des camps de réfugiés au Niger et en Tunisie, afin d’intercepter les migrants avant qu’ils n’entrent en Libye, où l’absence d’autorité étatique laisse un boulevard aux trafiquants.

Mais malgré ce présumé « plan B », Renzi s’oppose à la France quand celle-ci souhaiterait voir s’installer en Italie des points de contrôles pour trier les migrants et les renvoyer plus vite chez eux. Le gouvernement italien ne veut pas froisser le Vatican. Pour le Pape, un migrant est un homme libre et donc libre de circuler. Tout du moins jusqu’à Vintimille…

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.