A la source du design italien

Quel rapport entre EDF, la centrale hydro-électrique du Bazacle de Toulouse et l’architecte et designer Gio Ponti ? Déjà le fait que celui-ci a construit dans les années 50, dans la région du Trentin, pas moins de quatre centrales pour Edison, société du groupe EDF en Italie. Pour ses 130 ans, Edison a voulu rendre hommage à celui qui fut souvent comparé à Le Corbusier, son contemporain français. Ponti restera à jamais l’un des artisans du renouveau du design à l’italienne.
Il faut tout d’abord s’imaginer la révolution qu’a constituée le génie hors normes de ce Lombard qui débute sa carrière dans les années 20. Ce sont ses enfants et petits-enfants qui ont rendu possible aujourd’hui la reconstitution de ce parcours hors-norme : cinquante ans d’activité à travers son atelier évidemment, mais aussi une revue d’architecture « Domus ».

Expo Ponti 2Révolution, le mode n’est pas exagéré. Une photo, pas forcément la plus visible dans l’exposition, montre notamment le contraste entre la façade d’un immeuble conçu par l’ingénieur-artiste et un vieil hôtel particulier milanais mitoyen. En toute honnêteté, si j’avais vécu à l’époque de sa construction, je ne suis pas sûr que j’aurais forcément été un de ses fervents défenseurs tant un choc de civilisation se mettait à éclater.
Beaucoup auront retenu de Ponti ces extérieurs, notamment la monumentale tour Pirelli de Milan. Mais au détour de ces quelques allées d’exposition temporaire, ce qui frappe tout d’abord ce sont les photos d’intérieurs. Un style épuré et sobre mais beaucoup moins triste ou mélancolique que celui de ses confrères scandinaves ou européens du nord. Démonstration avec la maison de campagne des Ponti « construite à l’envers » comme il est expliqué. Sa première vocation a été de mettre en lieu sûr, après-guerre, les objets les plus inutiles mais intimes de la famille. « Les caractères opposés des propriétaires se révèlent pour la première fois. Une maison légère, non imposante et impalpable comme la voulait madame mais aussi débordante d’œuvre d’art et chargée outre mesure à l’image de monsieur ».

DSCF4201Et si le visiteur pouvait justement espérer matérialiser l’instinct artistique de Ponti à travers son mobilier, il restera un peu sur sa faim. A noter toutefois la reconstitution de plusieurs pièces majeures voire fondatrice de son œuvre. Son travail lié à l’aménagement de bureau est ici symbolisé par la chaise en aluminium Montecatini de 1935. Un autre espace est crée avec la commode en bois d’orme, la bibliothèque multiforme et le fauteuil pliant « poesia del mare ». Enfin le coin salon avec le fauteuil structure cuivre satiné et revêtement cuir bicolore blanc/bleu et sa table basse, le tout reposant sur la tapis en poulain dessiné en 1954.

Quand même un bien bel hommage au « made in Italy » et surtout une muséographie qui ne théorise pas trop… A voir donc jusqu’au 3 janvier, seul, entre amis ou en famille, à l’Espace EDF Bazacle, quai Saint-Pierre à Toulouse, pour au moins un instant « Vivere alla Ponti ».

Pour aller plus loin : « Ponti » de Graziella Roccella, éditions Taschen.
Plus de publications

Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.