Une question me taraude depuis un certain temps : pour quelle raison les étrangers qui veulent vivre dans notre pays doivent-ils accepter « nos valeurs » si nous entendons par là, par exemple, un certain sens commun ? Je sais que dit comme ça, cette phrase peut porter à confusion. Mais si l’on y réfléchit bien, sommes-nous sûrs que les valeurs de l’Italie et de notre Occident, soient les bonnes ?
Ne serait-ce pas beaucoup mieux, de soumettre tout le monde, étrangers, citoyens français et italiens et autres, aux « règles » et aux « lois » du pays où l’on décide de vivre ? Les lois sont bien faites pour ça. Tandis que les valeurs, aussi nécessaires qu’elles soient pour un peuple, demandent une réflexion de nature éthique et morale qui ne peut créer, comme bon lui semble, une catégorie de bons citoyens et une catégorie de mauvais. Et puis, celui qui adopte nos valeurs n’est pas forcément bon par définition. Ou à l’inverse, si quelqu’un remet en cause nos convictions, il ne faut pas prendre nécessairement cela comme un élément qui ébranlerait « nos » croyances.

Voilà. Si une action est correcte ou non, si elle va dans l’intérêt de tous ou non, c’est à la loi d’en décider. Autrement, le risque est de sombrer dans la confusion, comme celle provoquée récemment par la Présidente du Frioul-Vénétie-Julienne, Debora Serracchiani, qui, à propos de l’épisode d’un viol commis par un étranger, a affirmé :

Debora Serracchiani, Présidente du Frioul-Vénétie-Julienne

« La violence sexuelle est toujours un acte odieux et abject, mais il est encore plus inacceptable socialement et moralement lorsqu’il est commis par une personne demandant et obtenant l’asile dans notre pays ». Il est évident que, au-delà de la nette condamnation que chacun doit faire de ce geste extrêmement grave, le fait même qu’une personne puisse créer divers degrés de responsabilité morale juste pour le fait d’être étranger ou non, est aberrant, mais indique aussi que nous nous trouvons face à un seuil d’intolérance qui, clairement, pourrait se transformer en xénophobie. Et parmi les responsables politiques italiens, Mme Serracchiani n’est pas à classer dans la catégorie des racistes, alors imaginons-nous jusqu’où les choses pourraient aller si un certain type de réflexions était alimenté.

La vérité c’est qu’en termes de valeurs, l’Italie a changé, et pas forcément en bien.

Quelques exemples. Si une personne entre chez vous la nuit sans permission, êtes-vous en droit de lui tirer immédiatement dessus, même dans le dos ? Eh bien, selon un récent sondage, une bonne partie des personnes interrogées sont pour. Voilà ce que l’on pourrait appeler le sens commun, sauf que la législation et la Constitution disent que ce n’est pas permis.
Peut-on sortir de chez soi armé, sans exhiber son arme toutefois (pour se défendre des étrangers naturellement) ? Là aussi, pour une partie prépondérante du pays, c’est possible, alors que, une fois de plus, la loi l’interdit. Doit-on sauver ceux qui risquent leur vie en mer ? Cela ne fait aucun doute selon le droit international et celui italien. Et pourtant, pour beaucoup, on ne doit pas le faire. Les partisans de cette vision sont les mêmes qui disent qu’il faut d’abord aimer l’Italie, qu’il faut fermer les frontières (à part, bien sûr, pour la libre circulation de l’argent et des marchandises qui font tourner les affaires) ; pire, ils sont contrariés quand il y a des survivants aux naufrages. Peut-on parler ici de valeurs ? On en doute. Cette réaction est heureusement fort rare, mais moins que l’on pourrait imaginer…

Alors, quel est le principe directeur à suivre ? Il est évident que de cette façon il y aurait trop d’Italies, et rien ne garantit que certaines d’entre elles constituent le meilleur exemple que nous puissions montrer au monde en termes de civilisation. Faisons confiance aux lois et aux règles, et faisons-les respecter. Et quand on sait que l’Italie des Italiens viole sans cesse les unes et apprécie peu les autres, il devient très difficile de pouvoir donner des leçons.

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Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.