Connaissez-vous Forte dei Marmi sur la côte Toscane ? Ça ne m’étonne pas… Si vous faites une recherche sur Internet, vous y constaterez que c’était, à l’été 2013, la ville où la chambre d’hôtel était la plus chère en Italie, 203 euros en moyenne. C’est dans cette cité balnéaire, entre Costa Brava, Saint-Tropez au rabais et ce qu’aurait pu devenir le Cap Ferret s’il y avait eu plus de réserve foncière, qu’est né Fabio Genovesi.

Et l’auteur n’est pas tendre avec sa ville natale… L’idée de génie qu’il a eu est de faire évoluer dans cet univers déprimant à la morte saison et déroutant en plein été, une demi-douzaine de paumés, de cassés de la vie ou de personnages que la société a laissé au bord de la route. « Nous sommes tous normaux tant qu’on ne nous connaît pas bien » conclue très justement dans un chapitre Genovesi.

Nous sommes tous normaux tant qu’on ne nous connaît pas bien

Voici donc ses protagonistes. Un groupe de trois potes, Sandro, Marino et « Rambo », quadragénaires, qui n’ont rien fait de leur existence, parfaits « loosers ». Deux enfants « différents », l’une née albinos, Luna, l’autre soit-disant arrivé de Tchernobyl et parlant un italien trop châtié pour être honnête aux yeux de ses camarades, Zot. Le grand-père présumé de ce dernier se nomme Ferro. Totalement marginalisé, il défend au fusil sa villa, la dernière, au milieu de résidences de luxe reconstruites pour des russes ou des nouveaux-riches italiens (footballeurs, stars de la téléréalité, patrons de start-up, etc…).

Il ne faut bien évidemment pas oublier la femme, il en faut toujours une dans les grands romans transalpins. Serena n’a jamais vraiment eu d’hommes dans sa vie mais deux aventures torrides avec, au bout de la nuit, à chaque fois un petit matin triste et à l’arrivée deux enfants : Luna et Luca. C’est ce dernier qui va en quelque sorte unir les personnages, les faire se déchirer puis se retrouver.

Nous ne sommes doués qu’avec les miracles

Sans dévoiler le drame central autour duquel va se nouer l’histoire, il me reste toutefois à relever aussi le panorama qui est dressé de la société italienne à travers six de ses représentants : « Oui, voilà ce qui gâche tout : désorganisation plus approximation, plus manque de moyens. C’est l’histoire de l’Italie, l’histoire de Sandro. Pauvre patrie, pauvre lui ».

Faisant référence au cinglant échec de la squadra lors de la Coupe du Monde 90, Genovesi rédige également un magnifique descriptif de l’état d’âme national. « Nous ne sommes doués qu’avec les miracles, sous le coup du désespoir, quand il n’y a vraiment plus rien à perdre : c’est alors que se déclenche la fantaisie d’une dernière esquisse inspirée et malheureusement grandiose. Quand, en revanche, tout est simple, qu’il suffit d’aller tout droit et de ramener le résultat à la maison, nous nous enfonçons dans notre incapacité dévastatrice d’être honorables, constants, moyens ».

« D’où viennent les vagues », Fabio Genovesi, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, JC Lattès.

 

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.