La « Une » de la Repubblica de ce vendredi expose le plan éducation du Premier Ministre italien, « la bonne école » , au départ décret puis finalement projet de loi. Dans sa course effrénée aux réformes, Matteo Renzi s’attaque à ce qui fut autrefois appelé « le mammouth » chez nous en France. Un mode de fonctionnement tricolore qui fut souvent montré en exemple mais qui semble aujourd’hui être une référence en bout de souffle.

Pinocchio et l’incompris

De l’autre côté des Alpes, le système éducatif n’a jamais réellement fait des étincelles et est même souvent apparu comme archaïque aux yeux de l’Europe. Enfant, je garde deux images de l’école à l’italienne. La première reste niaisement celle qui est affichée dans le légendaire Pinocchio, école dans laquelle le petit héros de bois n’est aucunement aidé voire laissé au bord du chemin.
La deuxième, guère plus glorieuse sort tout droit d’un film de Comencini : L’incompris. Je ne sais encore comment on m’avait laissé regardé cette œuvre plutôt dure pour un enfant. Sans doute avais-je suivi mes grands frères et sœur dans le salon et m’étais-je fait discret pour braver l’interdit. Dans l’œuvre du réalisateur italien, on y voit des élèves en uniformes et, derrière l’enseignant, accroché sur le mur, bien en évidence : un crucifix.

Révolution ou réformettes ?

Je me revois demander à mon père : c’est comme ça l’école en Italie ? « Pas exactement, me répondit-il. Ca, c’était il y a quelques années ». Justement comment a-t-elle évolué cette école, depuis ? J’obtiens peut-être aujourd’hui un semblant de réponse, doublé de quelques indicateurs sur son avenir.
Alors que veut faire au juste Renzi ? Une véritable Révolution ou une somme de réformettes ? Le temps nous le dira. Pour l’heure, voici quelques points de programmes annoncés : 160 000 enseignants précaires embauchés dès la rentrée prochaine, une revalorisation « au mérite » de 30 à 70% des salaires des profs.
Côté programmes, moins de bouleversement, même si le sport et l’anglais devraient être dopés en primaire, l’histoire de l’art et l’économie dès le secondaire. Plus de passerelles seront établies entre le milieu scolaire et celui de l’entreprise. Reste maintenant à convaincre le monde enseignant et à trouver des financements, sinon le projet sera recalé ou au mieux devra passer au repêchage…

Syndicats sceptiques

Et ce n’est pas gagné tant les syndicats s’affichent sceptiques face au projet. Pour eux, ces embauches annoncées ne seraient que le fruit des titularisations de CDD ordonnées par l’Europe sous peine de sanction. Des organisations qui craignent aussi l’entrée en force du mécénat privé dans les salles de classe. Enfin de manière plus corporatiste, les syndicats craignent d’être écartés des organes de discussion et de décision de l’éducation nationale italienne.
« Dans vingt ans, l’Italie ne sera pas le fruit des décrets ministériels ou des éditoriaux des journaux, mais ce qu’en auront fait les enseignants » répète le premier ministre semblant vouloir laisser la porte ouverte aux négociations. Son autre adversaire sera sans doute son opposition parlementaire qui semble reprendre du poil de la bête. Le chemin semble donc encore long pour faire oublier le grand écart entre « Pinocchio » et « l’Incompris ». L’éducation italienne risque donc de se voir attribuer quelques trimestres encore un « en progrès mais peut mieux faire ».

Patrick Noviello

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.