Dominique Fernandez, romancier et essayiste, membre de l’Académie française, auteur de l’ouvrage Le piéton de Rome paru en octobre dernier aux Éditions Philippe Rey, a tissé, au fil des décennies, un lien intime avec la capitale italienne.

Retournez les lettres de ROMA, et vous obtiendrez AMOR. Rome est la ville de l’amour. On ne peut pas ne pas aimer une ville qui affiche avec autant d’éclat son idéal. Je laisse ici de côté tous ceux qui, croyants, dévots, pèlerins, se rendent à Rome mus par la religion, la foi, « l’amour sacré » de Dieu. Et m’en tiens aux raisons profanes que chacun peut avoir de se replonger dans une ville qui offre tant de sujets de délectation.

Autrefois, quand l’Europe étudiait et lisait le latin, la principale attraction était la présence de l’Antiquité, palpable à chaque coin de rue. C’est en effet une singularité de cette ville que les ruines sont incorporées au tissu urbain moderne. Certes, il y a des endroits spécifiquement « antiques », et comme tels clôturés par des grillages : avant tout le Forum, centre politique de l’Urbs à l’époque de Virgile, de Cicéron, de César, d’Auguste ; le Forum avec ses temples, ses basiliques, ses arcs de triomphe, ses portiques, le petit sanctuaire rond des Vestales et tant d’autres ruines, parfois de simples colonnes restées debout lorsque le monument s’est écroulé, tant d’autres traces de ce passé glorieux dont l’éloquence ne cesse de nous toucher. Mais la plupart des vestiges, à Rome, sont de plain-pied, si l’on peut dire, avec la vie quotidienne. Vous n’avez pas besoin de vérifier les horaires d’ouverture ni d’acheter un billet : ils sont là, effondrés ou debout, à votre portée, offerts à votre curiosité et à votre admiration.

Vous entrez, par exemple, dans cette église en forme de rotonde, pour vous recueillir devant la tombe de Raphaël : en réalité vous êtes dans le temple que Marcus Agrippa, général et conseiller politique d’Auguste, avait dédié aux divinités planétaires. Le Panthéon fut métamorphosé en église au septième siècle par le pape Boniface IV qui la dénomma « Sainte Marie des Martyrs ». De même, ce qu’on appelle le « Château Saint-Ange », au bord du Tibre, n’est autre que le mausolée que s’était fait construire l’empereur Hadrien, et que les papes, au cours des siècles, transformèrent en citadelle pour servir d’avant-poste fortifié à la basilique Saint-Pierre. Ces tours de passe-passe sont innombrables à Rome : la ville catholique s’est approprié les monuments païens, en sorte que d’une Rome à l’autre, d’une ère à l’autre, il n’y a pas de solution de continuité. Ici le Colisée, là le théâtre de Marcellus, plus loin les thermes de Caracalla : ils font partie intégrante de la ville moderne, comme la tour Eiffel de Paris.

Dominique Fernandez

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