Ce dimanche 25 septembre c’est un vent de révolte qui souffle sur la lagune. De mémoire de Vénitien, on n’avait jamais vu ça. Des milliers de personnes se sont réunies, face à l’île de Giudecca, sur l’immense quai qui sert habituellement à la promenade. A l’appel de ce rassemblement le collectif NoGrandiNavi. Mais ne croyez pas pour autant que le seul problème est pour la sérénissime, la présence de ces paquebots des mers, bateaux de croisière hauts comme des immeubles dont je vous ai déjà parlé dans mes écrits sur l’Italie.

Non, les colosses de la navigation touristique ne sont qu’un des symboles de cette révolte. Le cœur de la contestation réside dans le fait que Venise n’est plus aux vénitiens. La ville est littéralement envahie de touristes, et ce désormais quasiment toute l’année. Au-delà des artisans ou autres professionnels locaux qui ne peuvent plus tout simplement traverser les rues pour gagner leur vie, il y a aussi et surtout ceux qui en sont chassés face à des loyers sans cesse plus prohibitifs d’année en année.
« Imaginez, certains riches étrangers rachètent des Palais simplement pour y venir au maximum une semaine l’an » me racontait l’été dernier ma logeuse. Elle aussi a quitté la cité des doges. Et quand elle y retourne en balade, elle ne peut que déplorer le tumulte permanent et le fait de croiser de moins en moins d’habitants dans les rues. « Venise n’est pas une ville morte » ont scandé ce dimanche les manifestants. Des vénitiens qui, quelque part, se sont retrouvés à l’occasion de cet évènement.

Ils sont à peine plus de 50 000 aujourd’hui à vivre dans la sérénissime. Un millier d’entre eux quitte la lagune chaque année face à une déferlante de 30 millions de touristes en 2015 soit 80 000 au quotidien. A l’image de cette vague géante, ces mastodontes des mers qui frôlent les chefs d’œuvres d’architectures, descendant le canal de la Giudecca jusqu’à Saint-Marc. Pourquoi ne pas simplement leur interdire cet itinéraire allez-vous me dire ? Pour la manne financière évidemment et les emplois qui vont avec, plusieurs milliers, directs ou indirects.

Alors Venise est-elle vouée à devenir une ville-musée ou pire un simple décor de cinéma ? Qu’attendent les pouvoirs publics pour entrer dans la danse et prendre leur responsabilité ? La municipalité de Florence a bien limité les restaurants de burgers, kebabs et autres spécialistes asiatiques pour ne pas voir ses traditions culinaires disparaître. Barcelone a même franchi la ligne jaune en évoquant carrément des quotas de touristes à ne pas dépasser. Pour l’heure la ville de Marco Polo cherche un projet alternatif au passage des paquebots dans son canal et une solution alternative de débarquement pour les croisiéristes. Histoire de retrouver un minimum de sérénité…

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.