Rien à faire, pourtant, j’ai fait ce que j’ai pu, je vous le jure. Mais je dois avouer que je n’ai rien compris. Pour moi, la blockchain et les crypto-monnaies ont le même effet que la théorie de la relativité restreinte d’Albert Einstein : l’obscurité totale, le noir absolu. Me voilà replongé dans mon passé de lycéen, quand ma bienveillante professeure de maths décida un jour de jeter l’éponge au vu de mon ignorance pas du tout dissimulée. Il faut dire que je fréquentais le Liceo classico et les matières scientifiques n’y avaient pas trop la côte.
Vous vous demandez, de quoi je parle ? Eh bien, il y a quelques jours, j’ai lu un long et intéressant article paru dans le Corriere della Sera. Il y était question des jumeaux Winklevoss qui ont finalement pris leur revanche sur le rival Zuckerberg, le fondateur de Facebook. Tout cela grâce aux bitcoins.
Dans l’article, il est dit que les frères Cameron et Tyler Winklevoss (deux Américains style fitness avec une mâchoire de boxeur) ont pratiquement inventé Facebook il y a des années avec le jeune Mark Zuckerberg, qui, cependant, les a exploités puis les a roulés dans la farine, gardant le pactole pour lui-même et devenant ainsi multimilliardaire. Eh bien, les deux l’ont poursuivi en justice et ont obtenu gain de cause avec une « modeste » compensation de 65 millions de dollars, à partir de laquelle les deux frères ont à leur tour fait fortune. Comment ? C’est là que les ennuis commencent pour moi.
Tout d’abord, ils achètent des bitcoins qu’ils payent 8 dollars chacun. Aujourd’hui, ils valent 56 000 dollars. Voilà ce qu’on appelle une bonne affaire. Mais qu’est-ce que sont ces diables de bitcoins ?
À ce stade, je préfère laisser la parole à Wikipédia : c’est une monnaie virtuelle, c’est-à-dire qu’elle n’existe pas physiquement, « qui utilise une base de données répartie entre les nœuds du réseau qui gardent une trace des transactions, mais utilise la cryptographie pour gérer les aspects fonctionnels, tels que la création de nouvel argent et l’« attribution de propriété ».
Euh… Vous avez compris ? Moi, je n’ai rien pigé.
Mais ne nous arrêtons pas là. Ce qui est clair, c’est que les deux frères Winklevoss ont acheté une « chose » à un prix dérisoire qui aujourd’hui vaut des milliers de fois plus.
Mais ce n’est pas tout… L’article précise que les terribles jumeaux ont misé « sur la philosophie de la décentralisation technologique » et ont commencé à investir dans des start-ups innovantes. L’une, par exemple, est « un système open source dans lequel leurs clients devraient être en mesure de créer de nouveaux types de services décentralisés ». Une autre est – concentrez-vous ! – « un système de stockage de données informatiques sans contrôle central mais garanti par la blockchain dans laquelle les utilisateurs gagnent en louant leur espace de stockage actuellement inutilisé ».
Maintenant, répétez avec vos propres mots, car pour moi, c’est du sanscrit, je l’avoue. Désolé, mais je n’ai pas assez de synapses pour m’en sortir et face à des concepts aussi impénétrables, j’abandonne. La même chose m’est arrivée avec la découverte en physique des muons. J’avais déjà mes problèmes avec les quanta, les muons se sont ajoutés. Ce sont des choses qui dépassent ma compréhension, alors je me dis que les cellules cérébrales qui me restent, je peux aussi les utiliser pour autre chose. Tout le monde n’est pas Einstein, ou des jumeaux à la mâchoire de boxeur.

Mais j’entends déjà l’objection : « C’est une question générationnelle, Rocco ! »
Je suis un exemple d’humain analogique, que puis-je savoir sur les natifs numériques ? Ou « crypto-natifs », comme disaient gentiment les jumeaux.
Mais une réponse aussi simple ne me convainc pas. Hormis le fait que je n’ai pas l’âge de Mathusalem, j’utilise les ordinateurs et je m’occupe de technologies diverses depuis une trentaine d’années, et jusqu’à présent, j’ai toujours très bien réussi. Assez pour vivre et travailler. Surtout parce que j’ai appris l’astuce des techniciens que nous appelons de temps en temps à la rédaction de RADICI lorsque quelque chose ne fonctionne pas : « éteindre et rallumer ».
Non, il serait trop banal de tout réduire à la « fracture numérique ». Il y a autre chose qui m’échappe. Il y a un monde de l’arcane qui est fait de dark web, de blockchain, de crypto-monnaies dans lequel des gens comme les jumeaux new-yorkais et d’autres collègues surfent tels des loups peu recommandables. Des individus qui exploitent les secrets de la technologie pour (pardonnez-moi) nous baiser allègrement, utilisant nos faiblesses pour devenir riches de manière disproportionnée. Et je soupçonne qu’ils ne sont pas plus digitalisés ou plus intelligents que nous tous. Non. Peut-être sont-ils juste des fourbes. Je me trompe peut-être ?

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Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.