Saviez-vous qu’au nord-ouest du lac de Garde, on pratique depuis des siècles la culture des agrumes et l’oléiculture les plus septentrionales du monde ? Ce sont les célèbres serres à citronniers qui marquent le paysage et qui ont été aujourd’hui en grande partie reconverties. Mais certaines résistent…

Sur le versant du lac de Garde appartenant à la province de Brescia, entre Salò et Limone, survivent depuis des siècles les cultures les plus septentrionales de la planète. Les premiers à cueillir les légendaires « pommes d’or » du jardin des Hespérides et à les transporter de la Ligurie jusque sur les rives du lac de Garde furent vraisemblablement les frères du couvent de Saint-François à Gargnano, à la fin du XIIIe siècle, comme le suggèrent les bas-reliefs des chapiteaux du cloître représentant les agrumes parmi des poissons, des fleurs et des oiseaux. À partir du XVIIe siècle, pêcheurs et bateliers du lac – tentés par ces fruits jaunes comme le soleil – commencèrent à s’improviser architectes et jardiniers, accomplissant le miracle d’initier la culture des agrumes à des latitudes record (l’habitat climatique du citron se situe naturellement entre le 40° parallèle nord et le 40° parallèle sud). Grâce à l’invention des limonaie, qui ne sont autre que de grandes serres, qui ont écrit l’histoire et le paysage de cette portion du lac de Garde. Les serres protégeaient ainsi les précieux fruits des gelées hivernales. Une fois récoltés, les agrumes étaient transportés par bateau jusqu’à Torbole au nord du lac, puis en train à travers l’Europe du Nord et à la cour de Saint-Pétersbourg. Malheureusement cette idylle se termina au milieu du XIXe siècle pour plusieurs raisons. D’abord une épidémie (la gommose en 1885), puis un événement historique (l’Unité de l’Italie en 1861 et la suppression consécutive des droits de douane du sud au nord), et enfin une découverte (l’acide citrique synthétique, produit à échelle industrielle à partir de 1890 pour soigner le scorbut). Ces trois événements marquèrent le déclin du mythe du « jardin des Hespérides » du lac de Garde.
Aujourd’hui, en parcourant la route nationale depuis Salò jusqu’à Riva, tout ne semble pas perdu. À Gargnano, Tignale et Limone sul Garda, au milieu des serres oubliées ou reconverties en habitations et jardins privés, trois « feux » restent allumés comme on le faisait autrefois, quand dans les serres les jardiniers allumaient des feux pour protéger les arbres du froid de l’hiver : c’est l’amour des hommes qui garde la tradition vivante.
Il suffit de regarder tout autour pour se rendre compte que le territoire de Gargano est caractérisé par les serres à citronniers. Malgré le fait que le village est tapissé d’images de l’agrume jaune, il est bon de savoir, pour ne pas passer pour un ignorant, que le toponyme Limone ne dérive pas du fruit mais probablement du celte limo ou lemos (l’orme), ou du latin limen « frontière » (entre les territoires de Brescia et de Trente). Quand vous arrivez là-haut et que vous voyez le lac bleu et la chaîne de montagnes enneigées, vous comprenez ce qu’est le paradis. Si les serres à citronniers se trouvent surtout sur cette rive du lac, entre Salò et Limone, c’est grâce à un microclimat exceptionnel : l’hiver, quand il neige à Riva, ici il pleut.
Entre Gargnano et Campione di Tremosine, la via della Gardesana longe l’une des serres les plus spectaculaires du lac : en arrière-plan, les grandes falaises de roche du haut-plateau de Tignale, et soudain apparaît la silhouette du Pra de la Fam. Le nom de ce lieu renvoie probablement à un terrain à faible rendement, peu fertile, même si la légende raconte qu’à cause des vents forts qui soufflaient souvent dans le golfe de Tignale, les bateliers locaux étaient contraints de s’arrêter dans cette baie aride jusqu’à ce que cesse la bourrasque, subissant la faim, d’où le nom de Pra de la Fam.
Le fait qu’avant 1931, l’on ne pouvait accéder au Pra de la Fam que par voie d’eau donne un supplément de charme à la serre à citronniers visitable la plus grande du lac de Garde, un espace d’environ cinq mille mètres carrés envahis au printemps par le parfum persistant des fleurs d’agrumes. Un paysage qui a accompagné pendant des siècles le regard des pêcheurs et des bateliers qui halaient leurs bateaux et étendaient leurs filets. Profitez vous aussi de ce spectacle lors de votre prochain voyage au lac de Garde.

DE L’HUILE OÙ ON N’EN ATTEND PAS

L’huile du lac de Garde Trentin a la particularité d’être produite elle aussi dans certains des territoires les plus au nord du monde, au-delà du 46e parallèle. Si vous vous demandez comment c’est possible, la réponse est simple : ici également, comme pour les citrons, c’est le microclimat qui crée le miracle. En hiver, l’eau du lac refroidit lentement, offrant aux terrains alentours un climat doux et tempéré. Si à cela l’on ajoute l’alternance de vents froids et tempérés, on comprend pourquoi les oliviers des bords du lac de Garde étaient déjà connus des Romains, qui plantèrent en effet sur les rives et dans les collines autour du lac les premiers oliviers il y a déjà 2000 ans. Différentes variétés de cultivar sont présentes sur ces territoires, et parmi elles en particulier le Casaliva, une espèce autochtone qui donne une huile délicate, au parfum d’amandes, d’artichauts et d’herbes sauvages.