La Calabre poétique, faite de visions qui prennent vie et de tant de gens d’exception

Ma Calabre, c’est Tonino Gioffrè, défenseur du Greco – un cépage blanc probablement importé de Grèce au VIIe siècle av. J.-C. – et prophète du goût. Il a abandonné la trop productive Milan pour retourner sur sa terre en quête de paix. Ses associations originales en cuisine régalent les yeux et ravissent le palais. Depuis la terrasse de son restaurant le Santabarbara 1789, qui surplombe Scilla et Cariddi, la mer aux reflets violets est un lac immobile, traversé par les longs sillages des barques qui chassent l’espadon dans le détroit.
Ma Calabre, c’est Chianalea, un quartier de pêcheurs de la ville de Scilla avec ses maisons qui avancent dans la mer. Dans son petit port sont amarrées les dernières barques qui harponnent l’espadon quand il traverse le détroit. Il s’agit de chasse et non de pêche, tous tiennent à le dire ici, et d’entières familles y participent : la proie est repérée du regard, et le dernier maillon de cette chaîne est le long bras du harponneur posté sur la passerelle suspendue qui vole au-dessus des vagues de la mer. La femelle espadon est alors poursuivie pour atteindre aisément le mâle qui, jusqu’à la fin, n’abandonne jamais son amour. La vue du détroit est une plongée dans un paradis de lumière.