Plus de la moitié de la production de mode et de la maroquinerie de luxe se concentre en Italie. N’ayant jamais eu accès à ce type de produit, je ne vous en parlerai pas précisément. Mais ce 19 août, à travers une enquête étayée, Libération a révélé que « Loro Piana », la griffe italienne de LVMH, le groupe de Bernard Arnault, a été placée « sous administration judiciaire ». Elle avait recours à « des ateliers de travail clandestin mettant les ouvriers dans des conditions dangereuses ».
Nous ne découvrons pas que l’exploitation humaine pour fabriquer de simples vêtements est toujours monnaie courante. Nous ne découvrons pas plus que même (surtout ?) l’industrie du luxe y a recours. Enfin, nous ne découvrons pas que plus un grand groupe peut faire de marge plus il en fait. Une veste facturée 80 euros à l’atelier de Baranzate était revendue plusieurs milliers dans les boutiques milanaises.
Payer une veste 3000 euros ne m’a jamais effleuré l’esprit. Quand bien même serais-je millionnaire, je ne le ferais pas. Question d’éducation… Que d’autres trouvent judicieux ou jouissif d’effectuer ce type d’achat, libre à eux et loin de moi l’idée de les juger. Que la mode soit un art à part entière, j’adhère également pleinement à cet état de fait. J’aime m’habiller avec élégance, avec toujours un zeste de coquetterie, j’apprécie de voir les autres bien habiller mais je n’y consacre pas le plus clair de mon temps et de mon argent.
Là encore mes gênes parlent pour moi. Une partie de mes ancêtres était des chemisiers. Est-ce pour cela que j’en porte la plupart du temps, y compris en week-end ou en congés ? A leur époque, on n’achetait pas sa chemise en supermarché ou en boutique de prêt à porter mais on se la faisait tailler sur mesure. Elle coûtait un prix certain mais résistait au temps (une vie parfois), et à la mode. Était-elle identifiée comme étant « made in Italy » ? Je ne pense pas. Pas besoin alors.
Aujourd’hui quand j’achète un vêtement, j’essaie toujours de vérifier sa provenance. Je dis bien, j’essaie, car l’exercice n’est pas toujours simple et les pistes sont souvent brouillées. « Made In » signifie souvent « assemblé à », autrement dit assemblé avec des pièces préfabriquées au Bengladesh ou dans des contrées où on se fiche des droits humains comme de son premier pantalon. Inutile de préciser que je suis particulièrement sensible au « made in Italy ». Mais là encore, cette appellation ne signifie plus grand-chose. Et cette enquête réalisée par Libération nous le confirme.
Le pire dans cette affaire est que même quand l’intitulé « fabriquée en Italie » se vérifie de A à Z, c’est la plupart du temps au prix de l’exploitation humaine. Ces ateliers, et cet esclavagisme forcé, semblent donc dépasser les époques ou même les régimes politiques. Georgia Meloni se targue de réguler l’immigration et de faire respecter le droit du travail, l’impôt des grands groupes. Or, elle sait forcément que les vêtements de luxe qu’elle porte ou son sac à main sont potentiellement fabriqués par des travailleurs illégaux et exploités. Mais elle met ça dans sa poche avec son mouchoir par-dessus, comme dit l’expression. Un mouchoir en soie évidemment.
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.