L’écrivain toulousain Alain Monnier a écouté des récits de familles italiennes. Il en a fait un roman où beaucoup reconnaîtront leur histoire.
A cause de la bêtise et de l’ultra violence des « squadristes » de Mussolini, Amelia subit une double peine. Elle perd son mari, assassiné, et sa terre natale. « Elle doit survivre, obéir, faire grandir ses enfants, c’est dur sans un homme. Partir vivre dans un pays étranger ». Avec les siens, les Ricci, la voilà partie pour Miramont d’Astarac dans le sud-ouest de la France où des champs en friche les attendent.
Les représentants de l’Association des Agriculteurs du Gers sont passés près de son village faire signer des contrats de métairies avec à la clé une nouvelle terre à conquérir. Un quart d’heure pour se décider et voilà que Sandro, son frère, embarque la famille dans le long tumulte du migrant.
« Le 22 juin, à 7 heures, deux charrettes les attendent, apprêtées par des voisins et chargées de la veille. Des familles se sont regroupées au sortir de Brisotto pour un dernier salut, des mots d’amitiés, d’encouragement, mêlés à quelques regards envieux qui déjà ne rassurent plus les partants. Le convoi s’ébranle. Dans dix minutes, quand ils retourneront, à cause du vallon qui enveloppe le chemin ils ne verront plus Brisotto, seuls les mûriers dans l’arrière-plan leur murmureront qu’ils sont de là. Qu’ils étaient de là. »
En parallèle au parcours méritoire, sans être exposé comme héroïque, de cette famille, le lecteur suivra également Lorenzo qui va s’engager dans les rangs fascistes. Son père, le comte Galviani lui a pourtant demandé de ne pas compromettre le nom de la famille. Mais pour le jeune homme fougueux « l’Italie doit redevenir impériale. Elle doit repousser ses frontières, régner sur la Méditerranée et l’Adriatique ».
Le fascisme va fracturer des familles et en faire forcément périr des membres. Les Ricci comme d’autres lui paieront un lourd tribut. Et les français n’en seront pas toujours conscients car « l’immigré est le bouc-émissaire, on amalgame les Macaronis et les Boches ». En déclarant la guerre à la France, Mussolini a porté « un coup de poignard dans le dos d’un homme déjà à terre ! » « L’expression de l’ambassadeur de France à Rome fait florès. Les immigrés italiens deviennent les citoyens d’une nation hostile »
Mais la petite Gina verra le jour, première française de la famille. La naturalisation se dessinera une fois l’armistice signée. Au final, les Ricci, comme Lorenzo, auront affronté « la même guerre », chacun de leur point de vue. Si les premiers finiront par cultiver l’espoir, le second aura perdu sa vie pour un « miroir aux alouettes ».
« D’autres terres que les nôtres » d’Alain Monnier, Privat.
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.