Ah les fêtes de fin d’année et les films que l’on regardait quand on était enfant, blotti dans le canapé, ne quittant l’écran que pour jeter de temps en temps un coup d’œil fébrile vers le sapin… Avec beaucoup moins d’intensité parce que devenu adulte, je viens de revivre un de ces moments aux côtés de mon fils devant « le petit monde deDon Camillo ».
Crée en 1948 par l’humoriste, écrivain, dessinateur et journaliste italien Giovaninno Guareschi, le prêtre fut immortalisé à l’écran par l’inégalable Fernandel. Face à lui, le maire communiste, Peppone incarné par Gino Cervi. Ces deux protagonistes vont se livrer à travers cinq films (Fernandel, malade, ne terminera pas le tournage du sixième) à des escarmouches verbales et parfois physiques, mémorables.
Quand les héros ne sont pas tour à tour transportés à Moscou ou au Vatican, la scène prend le plus souvent place dans le petit village de Brescello dans la Bassa Padana. Le cinéphile y découvre la dureté climatique de la plaine du Pô en cet endroit, sèche en été, inondée au Printemps et en automne, voire même enneigée l’hiver.
Cela n’empêche pas le curé et le maire de vouer un amour sans faille à leur terre ainsi qu’aux âmes (ou citoyens c’est selon) qui y vivent, surtout s’ils partagent leurs opinions. Régulièrement rivaux mais au final toujours amis, les vedettes du film sont nées de l’anticommunisme farouche de Guareschi, même si l’église n’est pas non plus épargnée dans cette fiction parfois très proche du réel. Cette image d’Epinal venue d’Italie reste plus que jamais vivace dans les esprits y compris en France. Alors que je recherchais dernièrement le nom d’un prêtre emblématique rencontré en Dordogne, un site internet touristique du département le dépeignait ainsi.
« Comment négliger le curé, Christian Dutreuilh, qui ouvre en toute complicité avec le maire, laïque sans réserve, son église, Notre-Dame-de-Chamiers, pour accueillir un concert comportant une centaine de choristes. Un curé passionné de cinéma, d’un humour finement ciselé (…) Il compose avec Michel Dasseux (NDR : le maire) dans l’esprit d’un “Don Camillo et Peppone”. Un régal roboratif par ses temps d’intolérance. »
Hélas l’intolérance peut parfois aussi venir du clergé comme cette histoire contée cette semaine dans les gazettes italiennes et à travers toute l’Europe. Celle de Don Piero Corsi, « curé italien misogyne et homophobe » comme le présente le journal « Le Monde ». L’homme d’église n’a rien trouvé de mieux que d’afficher ses sordides opinions sur la porte de la maison de Dieu à San Terenzo sur la côte ligure (nord-ouest du pays). Selon lui, certaines tenues vestimentaires féminines peuvent provoquer les criminels.
« Les femmes qui provoquent par leur habillement succinct, qui s’éloignent de la vie vertueuse et de la famille, provoquent les instincts et doivent se livrer à un sain examen de conscience, en se demandant : peut-être le cherchons-nous ? » dit le texte écrit sur le tract qui déclenche l’ire de l’évêque de La Spezia. Le torchon est immédiatement retiré et Don Piero s’excuse dans la foulée (je n’ai pas dit « se repent »). Trop tard…Le texte a suscité un véritable tollé dans la paroisse mais aussi dans tout le pays où 118 femmes ont été assassinées en 2012 selon la presse.
Un couac de plus dans la communication de l’église catholique. D’ailleurs, lisez à ce sujet le remarquable article de Philippe Ridet dans « Le Monde Magazine » de cette semaine. Il y explique le nouveau plan com’ du Vatican qui s’appuie désormais sur la tendance 3.0. Un plan com’ qui ne vaudra jamais l’élan populaire suscité par Fernandel en son temps… Moralité : pour retrouver calme et sérénité, mais également confiance en le genre humain en cette période de fêtes, prière de revoir la série des Don Camillo !
Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.