Il y avait un adage, plutôt qu’une véritable analyse, qui disait que l’Italie devançait toujours la France en termes de tendances ou évènements politiques. Voilà maintenant des années que l’extrême-droite dirige ou co-dirige la péninsule alors qu’en France, elle semble se heurter systématiquement à un plafond de verre électoral. Jusqu’à quand ?  

Comme en France le RN, « Fratelli d’Italia » est donné largement en tête des sondages européennes de l’autre côté des Alpes. Comme Jordan Bardella, Giorgia Meloni semble nourrir moins de griefs qu’auparavant envers le système bruxellois. Démagogisme électoral quand tu nous tiens… Pour l’heure la comparaison s’arrête là. Alors, oublions la France et allons jeter un œil dans la campagne de Giorgia Meloni, au regard du programme gouvernemental qu’elle applique en Italie. 

Main tendue et modération 

 La Première Ministre italienne a su se faire accepter dans les hautes sphères européennes, tout en ne donnant pas l’impression à son électorat intérieur de le trahir. Et comme Ursula Von Der Leyen a besoin de tous les appuis possibles et inimaginables à droite pour garder son siège, elle est prête à toutes les alliances et à toutes les amnésies… Et pour lui faciliter cette politique de la main tendue, la leader des « frères d’Italie » a même su s’aligner sur des majorités plus modérées pour donner le change. 

Mais pendant ce temps-là, dans son pays, la politique adoptée envers les migrants n’a jamais été aussi dure. La défense de la famille traditionnelle passe par des procès pour retirer le statut de mère aux femmes lesbiennes. L’équivalent du RSA dans la péninsule a été tout simplement supprimé. La télévision publique, la RAI, est muselée par la censure ou les pressions quotidiennes. 

Une union des droites européennes 

Pour revenir à la position européenne de la chef d’État italienne, qu’en est-il de ses amis embrassants, comme Victor Orban par exemple ? La présidente du conseil italien n’hésite pas à jouer la médiatrice entre lui et les autres membres de l’UE. Quant aux sommets réunissant les chefs d’état du continent, Meloni y est désormais considérée comme tout un chacun et n’hésite plus à s’afficher comme la tête de file d’une union des droites européennes. 

Autrement dit, elle voudrait appliquer à l’UE sa recette nationale à travers une grande alliance de l’extrême droite au centre droit. Le RN de Marine Le Pen y serait évidemment le bienvenu. Mais cette coalition de droite est loin d’être faite tant le Rassemblement National comme La Ligue, l’autre parti d’extrême droite italien de Matteo Salvini sont opposés frontalement au Parti Populaire Européen dont se rapproche inexorablement Meloni. 

Un scrutin en trompe-l’œil 

Mais une fois encore, ne nous trompons pas. Les caméléons que sont devenus Georgia Meloni et Marine Le Pen n’ont pas véritablement d’objectifs européens. Pour elles, cette campagne est avant tout nationale. Meloni veut asseoir sa suprématie de l’autre côté des Alpes et valider une réforme constitutionnelle qui lui donnerait plus de pouvoir. Le Pen veut s’en faire une rampe de lancement pour la Présidentielle. Caméléons jusqu’au bout y compris dans les scrutins. 

Patrick Noviello

Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.