© GRRRANIT SN – Claire GIRAUDEAU

Il est des prodiges qui ne peuvent se réaliser que dans certains territoires. L’un d’entre eux est sans aucun doute Sienne, au cœur de l’itinéraire de ce premier numéro de 2024. Cette ville possède en effet des éléments uniques, une fusion de couleurs et de lumières qui ne peuvent être reproduites ailleurs justement parce qu’elles sont issues de la culture et de l’histoire de ce territoire.

Trois plumes nous parlent de leur amour pour la cité médiévale. Tout d’abord le nouveau directeur de la pinacothèque nationale de Sienne, Axel Hémery, qui avait auparavant dirigé le Musée des Augustins à Toulouse de 2009 à 2021, et qui nous livre ici son initiation à la vie dans la cité toscane. Puis c’est au tour de Walter Mariotti, qui n’hésite pas à parler de « paradis à la siennoise », comme si l’homme avait voulu ajouter sa main pour corriger celle de Dieu. Enfin, Marco Reggiani nous fait découvrir la Piazza del Campo, celle de l’historique Palio. Or il ne s’agit pas cette fois de chevaux, mais de la réapparition inattendue d’une herbe « magique », la verveine, qui pousse entre les pavés de la place, à l’origine un grand champ.

Devant la répétition, devenue presque banale en Italie, de manifestations à caractère clairement fasciste, nous avons demandé à Lorenzo Tosa d’analyser le phénomène. Nous ne sommes plus en 1938 mais en 2024, et l’on ne peut rester silencieux à la vue de certains événements. L’heure n’est plus à la colère ou à la simple indignation car, même si l’Italie s’est dotée de lois qui interdisent et punissent l’apologie du fascisme et tout comportement pouvant être rattaché au fascisme, certaines ambiguïtés perdurent.

Lara Tomasetta et Vittoria Vardanega nous parlent du problème de la violence faite aux femmes. En Italie, il y a seulement 60 ans, un homme avait le droit d’éduquer et de corriger le comportement de sa femme et de ses enfants en recourant à la violence. Il y a seulement 60 ans, les femmes ne pouvaient pas devenir magistrates parce que les hommes prétendaient que leur jugement pouvait être altéré par les modifications hormonales liées au cycle menstruel. Il y a seulement 48 ans, l’« autorité paternelle » existait encore, la responsabilité des enfants n’était pas partagée avec la mère et l’homme était considéré comme le seul chef de famille. Il y a seulement 42 ans, les hommes qui tuaient leur femme, leur fille ou leur sœur pour défendre « leur honneur ou celui de la famille » étaient modérément sanctionnés, car l’outrage subi par la trahison était considéré comme suffisamment grave pour justifier au moins une partie du crime. Les féminicides sont le drame de tous, mais surtout un problème d’hommes, car la violence à l’égard des femmes est un problème d’hommes ; ce sont les auteurs qui doivent le résoudre, et non les victimes. Parce que ce drame, comme l’a dit le président de la République Sergio Mattarella lui-même, rend nécessaire l’éradication d’un « phénomène qui trahit le pacte sur lequel se fonde notre idée de communauté ». Les chiffres montrent malheureusement un pays qui n’est pas guéri d’une culture traditionnaliste et machiste. Dans l’article intitulé Portrait de famille, Giuliana Rotondi explique comment et pourquoi la famille, qui avait l’air immuable en Italie, s’est transformée en un siècle et demi. Silvia Bombino clôt ce dossier avec une interview de l’actrice et cinéaste Paola Cortellesi. Il reste encore demain, son premier film en tant que réalisatrice, sur la violence domestique et les droits des femmes, est devenu le film de l’année 2023 en italie avec un nombre d’entrées historique pour un film italien. Il sort dans les salles françaises le 13 mars. 

Un autre dossier est consacré aux grands génies italiens d’époques diverses. Maria Leonarda Leone et Federica Campanelli nous invitent à découvrir quelques Italiens qui ont su anticiper, imaginer le futur, inventer des technologies révolutionnaires.

Dans son article consacré à l’Histoire de l’Italie avant l’Unité, Philippe Foro analyse la mise en place des grands États italiens de la Renaissance et les quelques décennies de stabilité politique qui ont suivi la paix de Lodi et permis d’asseoir développement économique et floraison intellectuelle et artistique.

Côté saveurs, Alessandra Pierini nous emmène à la découverte des liqueurs italiennes, et en particulier de deux icônes : l’amaro et le vermouth. Oui, la saveur amère est très populaire en Italie, tant dans les aliments que dans les boissons. Da consumare con moderazione!

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Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.