Prenez une ville antique et noble, et redessinez-la. Prenez la ville idéale qui n’existe pas encore, et construisez-la. C’est ce que firent les Gonzague à la Renaissance, dont les projets aboutirent à créer des modèles pour toute l’Europe.

Il peut sembler étrange que deux villes, situées à une trentaine de kilomètres l’une de l’autre, aient demandé ensemble, et obtenu en 2008, la reconnaissance par l’Unesco de leur « valeur universelle exceptionnelle ». Pourtant, leur instance était justifiée : la première, souvent associée au poète Virgile (Mantua me genuit, « Mantoue m’a donné la vie », mentionne son épitaphe) et la seconde, ville imaginaire de Tara dans laquelle Bernardo Bertolucci a mis en scène son film La Stratégie de l’araignée, « reflètent ensemble les idéaux urbanistiques de la Renaissance qui se sont traduits par deux modèles distincts d’intervention », comme l’explique l’architecte Paola Falini, professeure de science urbanistique à l’université de Rome La Sapienza, alors consultante scientifique pour la candidature des deux villes lombardes : « Le premier, Mantoue, sur la ville déjà existante en vue d’en rénover l’aménagement urbain ; le second, Sabbioneta, de fondation d’une ville nouvelle. Les deux modèles ayant en commun l’intention de réaliser les paradigmes de la cité idéale. » Ces deux localités correspondent donc à deux conceptions complémentaires : l’une visant à ordonner un centre urbain préexistant, l’autre, à en fonder un nouveau selon le modèle de la cité idéale (celle que l’on « fonde »).

Elisa Conti