Aussi bien d’une rive à l’autre que sur les flots, le pont du Rialto a vu passer toute l’histoire de Venise. Et c’est ce témoin tout à fait singulier qui prend ici la plume pour nous la raconter.
Autrefois j’étais de bois, et même pont-levis. On m’avait construit ainsi pour que je puisse, selon le besoin, relier ou séparer les deux rives du Grand Canal. Et j’ai été construit en un point de Venise plus élevé par rapport aux petites îles environnantes. Que l’on appelait Rialto, justement.
Et ce n’est pas un hasard si j’ai été construit précisément là. Il y avait besoin d’une artère qui relie les deux cœurs de la République : le cœur politique, à San Marco, et le cœur économique, à Rialto. Pendant des siècles, l’on avait remédié au problème en empruntant des barques, jusqu’à ce que quelqu’un décide qu’il serait bon de réunir les deux rives par quelque chose de plus stable. Je ne sais pas exactement quand je suis né ; ma seule certitude est que j’étais là dans la seconde moitié du XIIIe siècle, mais mon nom était différent : on m’appelait alors le Pont de la Monnaie parce que, pour me traverser, il fallait s’acquitter d’un droit de péage.