… et vous pensez au style informel des Italiens, à la convivialité. Même quand il est « héroïque », mais ne le montre pas. Un vin qui ne fait qu’un avec son territoire de production, à l’Origine contrôlée étendue à la seule Collina del Cartizze, dont il sait exprimer l’histoire et la culture.

Devenu un modèle de croissance pour les bulles italiennes, le Prosecco – dans les dénominations Conegliano Valdobbiadene Prosecco Superiore Docg, Cartizze, Asolo Prosecco Docg et Prosecco Doc – a fait de la simplicité son point fort. Et il a rendu forts les producteurs de Vénétie, au top dans le classement par chiffre d’affaire dans le secteur vinicole, province de Trévise en tête. Le Prosecco Doc, première dénomination italienne en nombre de bouteilles a enregistré, entre janvier et avril 2020, une augmentation d’environ 5 % ; l’Ascolo Prosecco Docg, de 10 %, et le Conegliano Valdobbiadene Docg, jusqu’à 16,8 % dans la grande distribution (source Iri pour Vinitaly). Y compris grâce aux apéritifs sur Zoom et aux commandes sur les portails dédiés. « Le Prosecco a toujours été un vin anticyclique. Vous vous rappelez la crise de 2009 ? Les ventes de Prosecco Superiore avaient augmenté. Cela parce qu’il possède le meilleur rapport qualité-prix au monde et que le consommateur, dans les moments d’incertitude économique, récompense les produits qui possèdent ces caractéristiques », explique Gelasio Gaetani d’Aragona, expert dans le domaine, écrivain et voyageur. « En outre, le Prosecco incarne le style informel italien, la joie de vivre, la convivialité. Aujourd’hui, grâce à l’engagement de certaines entreprises, l’offre est particulièrement stratifiée, avec différents niveaux quantitatifs et qualitatifs et différentes franges de prix. Sans parler de la douceur, depuis l’extra brut jusqu’au dry. Un exemple par excellence : le Prosecco Superiore Docg produit dans l’abrupte région historique des collines, Patrimoine de l’Unesco, qui vont de Valdobbiadene à Conegliano, où des terroirs variés – depuis les grès marins aux marnes et jusqu’aux terrains morainiques – donnent naissance à des nuances uniques et fascinantes. La Collina del Cartizze – 107 hectares divisés entre 140 propriétaires, parmi lesquels se distingue la famille Bisol, sur le territoire depuis 1542 – se trouve à mi-chemin entre l’Adriatique et les Dolomites et jouit d’un extraordinaire microclimat : l’année dernière, en compagnie de Tom Stevenson, le gourou du Champagne, j’ai ouvert une bouteille de 1977. Un nectar des dieux », rappelle Gaetani d’Aragona.
Actuellement, la province de Trévise regroupe 68 % de la valeur de la dénomination d’origine et l’on compte 221 entreprises de mise en bouteille. Un succès international, donc, mais pénalisé par une stratégie qui, souvent, omet d’unir les forces, et rencontre quelques difficultés de communication concernant le « produit Prosecco ». « La dénomination historique de Prosecco Supérieur peut être traduite en étiquette par des expressions différentes. Il s’agit de différences substantielles. Nous parlons de viticulture héroïque, de « fait à la main ». En haute colline, avec des pentes plus escarpées, il faut entre 900 et 1 000 heures pour travailler un hectare de vigne (Cartizze et la région de Valdobbiadene), tandis que sur les terrains du Prosecco Doc, complètement mécanisés, le nombre d’heures tombe à 80-90 », conclut Gaetani d’Aragona.
Le sujet du brand building, c’est-à-dire de la construction de la réputation d’une marque qui lie un produit et un territoire, est au cœur du Consortium de protection de la Dénomination d’Origine Contrôlée du Prosecco, dont le siège se trouve à Trévise. Instituée en 2009, la DOC regroupe une aire très vaste : 2 régions et 9 provinces pour un total de 11 000 associés. « Le Prosecco DOC est un luxe démocratique, et nous lui faisons faire le tour du monde comme si c’était un drapeau », commence Luca Giavi, directeur général du Consortium. « Nous travaillons sur plusieurs fronts : territoire, développement durable, tourisme du vin, restauration, culture. Grâce au projet Mosaico Verde, imaginé par AzzeroCO2 et Legambiente afin de requalifier le territoire en l’adaptant aux changements climatiques, nous protégeons 30 000 hectares de forêt, nous avons introduit des haies dans la vigne et amélioré le paysage du point de vue esthétique. Depuis la campagne de 2018, nous avons cessé d’utiliser les produits phytosanitaires et le glyphosate. Nous collaborons avec les chefs, les pizzaioli et les experts en mixologie. Nous sponsorisons des expositions à l’étranger parce que nous croyons en la diplomatie culturelle. Et, pour finir, nous participons au développement du cyclotourisme, qui trouve un terrain fertile tout particulièrement dans la campagne trévisane. »


L’accueil au milieu des vignobles et dans les structures associées est presque un mantra pour de nombreuses entreprises qui veulent transmettre la connaissance de leurs procédés et méthodes de travail, mais aussi le soin avec lequel elles cultivent et protègent le raisin. « L’image est fondamentale surtout à l’étranger, où le public ne sait pas grand chose du Conegliano Valdobbiadene Prosecco Superiore », dit David De Luca, responsable commercial du domaine Col Sandago, situé sur les communes de Susegana et Pieve di Soligo. « Je trouve qu’il est important de savoir raconter une histoire à travers le packaging : ainsi, il y a quelques années, nous avons opéré un restyling de la bouteille dédiée aux mousseux Docg en la remodelant avec un motif en relief qui reprend les lignes d’un tableau peint par Martino Zanetti, le propriétaire de Col Sandago. Fers de lance de la marque : Undici Rive di Susegana Dry (essence du Coegliano Valdobbiadene Docg), Vigna del Cuc (Conegliano Valdobbiadene Prosecco Superiore Docg Brut) et Case Bianche (même dénomination, mais Extra Dry). Tous les trois sont des interprétations du cépage le plus emblématique de la région, le glera : des ceps de même type qui prennent racine dans un terrain caractérisé par la présence d’argile et de grès. Le lien entre le Prosecco et le territoire s’exprime également à travers la formation des nouvelles générations.

La Carpenè Malvolti di Conegliano, étiquette historique fondée en 1868 par Antonio Carpenè, diplômé de chimie à Pavie, garibaldien convaincu et premier Italien à produire des vins mousseux – c’est à lui que revient le mérite d’avoir perfectionné la méthode Martinotti-Charmat en l’appliquant, avec des modifications substantielles, au Prosecco – collabore depuis toujours avec la « Scuola enologica di Conegliano » et investit dans des projets de recherche tel que celui qui fut mené sur les « Generazioni Docg ».
Ce n’est pas la terre qui se transforme, mais l’approche que les viticulteurs ont des caractéristiques de leurs vignobles.
Et cela, Antonio Carpenè l’avait compris avant tout le monde, et choisi de partager son savoir et de sauver de l’incurie une région aux énormes potentialités. Aujourd’hui, l’entreprise Carpenè Malvolti est aux mains de la cinquième génération, qui a grandi au milieu des grappes de raisin et de l’odeur du moût. « Les ingrédients qui contribuent à cette recette du succès sont essentiellement au nombre de trois : le territoire, entendu tant comme synthèse de caractéristiques climatiques et environnementales que comme tissu social, dans lequel se sont développées avec le temps des compétences œnologiques en mesure de créer de la richesse et du bien-être ; l’expérience pluriséculaire dans les pratiques agronomiques, œnologiques et scientifiques et, dernier point mais non des moindres, le prestige d’une marque reconnue au niveau international », explique Domenico Scimone, directeur général de l’entreprise, qui exporte dans 65 pays l’équivalent de 52 % de sa production. « Au cours des premiers mois de l’année 2020, les ventes étaient en augmentation, tandis qu’au second trimestre elles ont inévitablement chuté. Le débouché Horeca (hôtel, bar, restauration, catering, ndr) est resté bloqué pendant des mois, mais nous prévoyons une réelle reprise en décembre, période stratégique pour notre domaine » conclue Scimone.

Consorzio di tutela della Doc Prosecco : www.prosecco.wine
Consorzio tutela del vino Conegliano Valdobbiadene Prosecco : www.prosecco.it
Consorzio vini Asolo Montello : www.asolomontello.it

Un parcours sportif dans les vignes

Son quartier général, immergé dans la nature est une résidence du XVIIe siècle de la Marca Trevigiana (AOP), à Crocetta del Montello (province de Trévise). Se classant parmi les cinq premières marques de Prosecco à l’échelle mondiale, Villa Sandi (qui dispose aussi de la marque La Gioiosa, présente dans la grande distribution) est leader sur le marché en Italie, au Royaume Uni, en Allemagne, en Autriche et en Australie. Le seul Prosecco dans les dénominations Conegliano Valdobbiadene Superiore Docg, Asolo Superiore Docg et Prosecco Doc représente 70 % des ventes internes. « Mais Prosecco signifie aussi territoire : nous avons créé des circuits et des dégustations virtuels pour faire voyager le vin au lieu des personnes. Tandis que les visiteurs et les clients du domaine peuvent profiter pleinement d’un parcours émotionnel et culturel qui se déroule entre art et nature, hospitalité et gastronomie », raconte le président Giancarlo Moretti Polegato. Depuis l’auberge Sandi à Valdobbiadene, où déguster des plats traditionnels, jusqu’à la « palestra in vigna » (parcours sportif dans les vignes), un parcours équipé ouvert à tous qui traverse 10 hectares de rangées ayant obtenu la certification « Biodiversity friend » de la World Biodiversity Association, en passant par une ligne cosmétique visage et corps à base de raisin Merlot, riche en polyphénols aux propriétés antioxydantes. La diversification de la Villa Sandi a créé un style de vie inspiré de la définition historique et poétique de la province de Trévise : « Marca gioisa e amorosa ».
Villa Sandi : www.villasandi.it

Comment l’accorder ?

Versatile, le Prosecco est un vin fruité et fleuri, qui se boit facilement et s’associe aisément avec des aliments aux cuissons peu invasives, en mesure d’en exalter les arômes. Comme apéritif, il accompagne parfaitement les tartines de saumon ou de caviar, le pâté, les crevettes en sauce cocktail, les fromages moyennement affinés.
Mais le Doc ou le Docg peut également accompagner des plats de légumes comme la chicorée rouge ou les asperges dont le goût amer procure un contraste agréable. Idéal également avec un gratin de pommes de terre et de carottes ou un soufflé.
Le Prosecco Superiore di Valdobbiadene et Conegliano s’accorde très bien avec du poisson, des mollusques et de crustacés : daurades, bars, coquilles Saint-Jacques, mais aussi avec des carpaccios et salades de la mer. Côté charcuterie, feu vert pour la mortadelle et le jambon cuit ; en revanche, un vin rouge conviendra mieux avec les charcuteries très épicées. Seul interdit, l’association avec les desserts : selon la règle de « sucré avec sucré », on optera plutôt pour un Moscato d’Asti, un passito ou un zibibbo.