Militant dans l’Unione Sindicale di Base (USB, syndicat indépendant fondé en Italie en 2010 pour défendre les droits des travailleurs agricoles), Aboubakar Soumahoro, Italo-ivoirien, a 38 ans et est diplômé en sociologie. Son visage, accolé à celui du ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, est apparu sur la couverture du numéro de la revue L’Espresso publié le 18 juin dernier et qui avait suscité de nombreuses réactions. La lettre ici traduite a été publiée dans la même revue une semaine plus tard.

Cher directeur,

En observant ce que nous sommes en train de vivre, à partir des lieux des contradictions sociales, pendant que j’écris ces quelques lignes, ce que disait Aimé Césaire me revient à l’esprit : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. » Mais que signifie une civilisation décadente ?
Je suis convaincu que notre civilisation, considérée en tant que société dans ses différentes articulations, est décadente quand on affirme que l’être « humain » est un problème, quand les ports sont fermés aux êtres humains, tandis que les navires de guerre circulent librement et en toute impunité. Notre civilisation est décadente quand on pense pouvoir répondre aux problèmes de justice sociale, aux besoins des exclus, hommes et femmes, par des politiques d’austérité, ou quand ceux qui décident de lutter sont frappés par des lois répressives, par des coupes dans la protection sociale ou par la ghettoïsation.

Aboubakar Soumahoro / L’Espresso