Au cours du XXe siècle, l’Italie a vu émerger certains des esprits les plus éclairés et brillants au monde : visionnaires de l’industrie, scientifiques et inventeurs qui ont, grâce à leur génie, guidé l’humanité du XXe siècle vers un progrès accéléré. Voici un aperçu des plus importants.

FEDERICA CAMPANELLI / FS 

GUGLIELMO MARCONI 

L’Italien qui a connecté le monde

Avec l’invention de la radio, Marconi s’est imposé comme un authentique pionnier des communications sans fil et comme une figure majeure dans l’histoire de la technologie, si bien qu’il a remporté le prix Nobel de physique en 1909 (alors qu’il n’était pas diplômé). Né à Bologne en 1874, il montra dès son jeune âge un intérêt remarquable pour la science et l’électricité, parvenant déjà à vingt ans à mettre en pratique ses premières expériences en autodidacte. Son grand exploit eut lieu en 1901, quand il parvint à transmettre des signaux radio par-delà l’Atlantique, démontrant la faisabilité des communications sans fil intercontinentales. Sa technologie a contribué de façon significative au progrès technologique mondial, non seulement parce qu’elle a amélioré nos vies, mais surtout parce qu’elle a aussi contribué à les sauver. Il suffit de penser à l’utilité de la radio pour lancer des signaux d’appel à l’aide : les premiers secours réalisés avec succès grâce au système de Marconi eurent lieu en mer en 1909 et permirent de mettre en sécurité tous les passagers et membres d’équipage du Transatlantique Republic, qui avait été percuté au large de l’île de Nantucket (USA). Il n’est ainsi pas surprenant que les employés affectés à la communication radio dans les navires soient appelés en italien « marconisti ». Frappé par une crise cardiaque, Guglielmo Marconi s’est éteint à Rome en 1937.

ADRIANO OLIVETTI

La Silicon Valley italienne

Depuis plus d’un siècle, la petite ville piémontaise d’Ivrea, dans le Piémont, accueille l’entreprise Olivetti, pendant longtemps l’une des principales au monde, d’abord dans le domaine des machines à écrire, et aujourd’hui dans le secteur de l’informatique et de l’électronique. Fondée en 1908 par Camillo Olivetti, qui en fut le directeur jusqu’en 1932, l’entreprise prit une autre dimension quand elle fut reprise par le fils Adriano (1901-1960), qui promut une culture d’entreprise nouvelle, tournée vers le bien-être de ses salariés et la production d’une technologie avancée, au design attirant. Adriano Olivetti est aujourd’hui connu pour avoir introduit des politiques de gestion innovatrices, comme l’intéressement des ouvriers aux bénéfices et une amélioration générale de leurs conditions de travail, considérée comme un facteur indispensable pour un bon processus productif. Il rêvait de transformer Ivrea en une « ville idéale », avec des infrastructures modernes au service de ses salariés. Et puisqu’il avait saisi l’importance de l’esthétique, Olivetti engagea les meilleurs designers et architectes de son temps, parmi lesquels Ettore Sottsass et Marcello Nizzoli. Ce dernier fut le père, en 1950, de la machine à écrire Lettera 22, désignée meilleur objet design du XXe siècle par l’Illinois Institute of Technology.

ENRICO MATTEI

Entrepreneur et visionnaire

Le 27 octobre 1962, un mystérieux accident aérien dans les environs de Bascape (Pavie) marqua la fin tragique d’Enrico Mattei, le fondateur de l’Eni. Né en 1906 à Acqualagna (Pesaro et Urbino), Mattei commença à travailler dans le secteur des peintures industrielles jusqu’à ce qu’il soit chargé, en 1945, de liquider l’Agip (Azienda Generale italia Petroli), précédemment fondée par le gouvernement fasciste. Bien conscient que le pétrole représentait une ressource incontournable, il s’efforça de la refonder et de créer une entreprise nationale permettant à l’Italie de répondre à ses besoins énergétiques. Dans cet objectif, il fonda l’ENI, l’Ente Nazionale Idrocarburi en 1953. À une époque où l’Italie était un petit producteur de pétrole brut et de gaz, Mattei osa défier le puissant « cartel des sept sœurs » du pétrole (presque toutes des entreprises des États-Unis) en signant des accords directs avec les pays du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de l’Union soviétique. Une telle approche lui valut naturellement de nombreuses inimitiés et attaques médiatiques : en 1960, par exemple, le New York Times lui reprocha d’ « avoir rompu les équilibres du marché des produits pétrolifères » et d’avoir compromis de futurs équilibres politiques ». Pour toutes ces raisons, beaucoup pensent que la mort d’Enrico Mattei n’est pas du tout accidentelle.

GIULIO NATTA

L’homme des polymères

Le seul Italien à avoir reçu le prix Nobel de chimie (en 1963) répond au nom de Giulio Natta (1903-1976). Ingénieur ligure, originaire de Porto San Maurizio (Imperia), il devint célèbre dans les années Soixante pour avoir réalisé la matière plastique la plus répandue au monde : le polypropylène. Natta parvint à obtenir ce produit de synthèse, qui se distinguait des autres par ses excellentes propriétés chimiques et mécaniques, grâce à une technique révolutionnaire appelée « polymérisation stéréospécifique », qu’il développa en collaboration avec le scientifique allemand Karl Ziegler, lui aussi récompensé par l’Académie royale de Suède la même année. S’agissant d’un produit non biodégradable, le plastique représente aujourd’hui un problème important pour la santé de notre planète, mais il n’en était pas ainsi à l’époque de Natta (c’était la période du boom économique). Le plastique se révéla alors être un matériau utile et versatile, qui revêtait une gamme d’applications aussi vastes que différentes, depuis l’emballage jusqu’à l’industrie automobile, depuis l’électronique jusqu’à l’aviation et aux objets du quotidien, devenant bientôt symbole de modernité et de progrès. En plus du prix Nobel, l’industriel ligure reçut pour son travail cinq titres de docteur Honoris Causa en chimie dans quatre pays différents : Italie, Allemagne, Belgique et États-Unis.

ALFONSO BIALETTI 

Du linge au café

Pour la majorité des Italiens (et pas seulement eux), la journée commence avec une cafetière moka qui gargouille et libère des arômes de café dans toute la maison : un rituel incontournable qui fait partie de notre culture depuis presque un siècle. Et pourtant, peu de gens savent que la si célèbre « macchinetta », créée en 1933 par Alfonso Bialetti (1888-1970), entrepreneur piémontais originaire de Casale Corte Cerro, est étroitement liée au… linge sale ! À cette époque, pour faire la lessive, on utilisait la lessiveuse, une machine laveuse composée d’une grande cuve à double fond troué dans laquelle on versait un mélange (la lessive) composé d’eau, de savon et de cendres, chauffé au bois. Quand l’eau arrivait à ébullition, elle remontait le long d’un tube posé au centre du dispositif et faisait ensuite retomber le mélange « en pluie » sur le linge dans le baquet. Alfonso Bialetti, alors âgé de 40 ans et au passé d’ouvrier mécanique en France, pensa à appliquer le même principe à la préparation du café, brevetant ainsi sa Moka Express.

Pour tout dire, la cafetière ne s’appela pas immédiatement ainsi : le nom lui fut donné plus tard par son fils Renato pour rendre hommage à Mokha, ville yéménite de la mer Rouge, célèbre pour la culture du café depuis le XVIe siècle. Et c’est le visage de Renato lui-même qui inspira le bonhomme à moustaches, personnage testimonial officiel de la marque.

CORRADINO D’ASCANIO 

Le « vol » de la Vespa

Quand il n’était qu’un enfant, il rêvait de prendre son envol comme les hirondelles. Il allait couronner ce rêve une fois devenu adulte grâce à ses inventions à l’avant-garde, laissant une empreinte indélébile dans l’histoire de l’aviation. Corradino D’Ascanio était comme cela, un ingénieur visionnaire et surprenant. Né à Popoli (Pescara) en 1891, D’Ascanio eut le courage de défier les limites humaines en donnant vie au prototype de l’hélicoptère moderne, le D’AT3, inauguré en octobre 1930 avec un vol précurseur de presque dix minutes. Un véritable record ! Il fut en outre titulaire de brevets divers et nombreux, depuis le four électrique pour pain et biscuits jusqu’à une sorte de bombe pour aéronef capable d’exploser à une hauteur préétablie. Mais le succès arriva après-guerre avec un engin qui allait changer la face du monde du transport à deux roues : la Vespa Piaggio. Présentée en 1946 au Salon international du cycle et motocycle de Milan, la Vespa devint rapidement un phénomène culturel. Et dire que son concepteur détestait les motocyclettes. Mais pourquoi décida-t-il alors de réaliser un scooter ? La réponse tient dans le dicton, faire de nécessité vertu. À la fin du conflit mondial, l’entreprise Piaggio avait l’exigence de reconvertir sa production militaire, jusqu’alors concentrée sur l’aéronautique. D’Ascanio eut donc l’intuition d’utiliser certains matériaux et technologies (tôle, peintures, certaines solutions mécaniques comme l’amortisseur antérieur) pour un engin à deux roues avec un châssis autoporté, créant un véhicule facile à conduire. Voici ce qu’il dit de sa création : « Vu que je me suis toujours occupé d’aéronautique […], j’ai conçu ce moyen de locomotion en suivant des critères intuitifs et en pensant que cette machine allait servir pour moi, qui n’étais pas motocycliste ». L’ingénieur originaire des Abruzzes s’est éteint en 1981, à Pise.

ENZO FERRARI 

Le « dragon » de Maranello

Aux dires de ceux qui l’ont connu, c’était un homme bourru au tempérament sombre et difficile, mais surtout déterminé dans la poursuite de son objectif : construire de puissantes automobiles sportives et de course. En effet, la passion pour l’automobilisme accompagnait depuis l’enfance le fondateur du « cheval cabré » (cavallino rampante) (symbole donné à Ferrari par la mère de l’aviateur Francesco Baracca, abattu en 1918), né à Modène en 1898 : depuis que son père l’emmena à Bologne pour la course automobile Coppa Florio alors qu’il était âgé de 10 ans. Ce furent cependant les années 1920 qui marquèrent le début de son aventure, d’abord comme pilote pour Alfa Romeo, puis comme membre fondateur du journal sportif Corriere dello Sport. Malheureusement, une série d’événements malheureux ralentit sa carrière de pilote. Mais du mal naquit un bien : en 1929, il fonda la Scuderia Ferrari qui concourait alors avec des automobiles Alfa Romeo. Le véritable tournant se produisit en 1947, quand il créa, à Maranello (Modena), la Ferrari S.p.A., grâce à laquelle il put enfin commencer à construire des voitures de sa propre marque : la première fut la Ferrari 125 S, qui fit ses débuts sur le circuit de Piacenza le 11 mai 1947 avec au volant Franco Cortese. Dès lors, les Ferrari laissèrent leur empreinte dans le monde du sport automobile et du luxe grâce à des prestations extraordinaires et un design sans égal. Charismatique et inoxydable, Enzo Ferrari – « the Drake » pour les Anglais – dirigea l’entreprise jusqu’à sa mort, en 1988, à l’âge de 90 ans.

ANTONIO MEUCCI

Le père des télécommunications

En 2002, plus d’un siècle après sa mort, le Congrès des États-Unis a enfin reconnu officiellement Antonio Meucci (1808-1889), né à Florence et émigré dans le Nouveau Monde en 1835, comme étant le premier inventeur du téléphone électrique, un dispositif créé à New York entre 1854 et 1871. Meucci n’avait pas assez de ressources économiques pour payer le brevet de sa création, pour laquelle il n’avait déposé qu’un caveat (un préliminairede brevet) sous le titre de Sound Telegraph. Ceci donna le temps à Alexander Graham Bell de mettre au point un appareil similaire et de le faire breveter avant l’infortuné Italien. Peut-être l’ingénieur britannique avait-il eu l’occasion de voir l’invention de Meucci (et donc de s’en inspirer) ? On ne sait pas. Grâce à ses solides compétences en mécanique et en chimie, Meucci réussit tout de même à expérimenter et concevoir de nombreuses autres inventions capables d’améliorer la vie quotidienne : il créa, par exemple, des filtres chimiques particuliers pour la dépuration de l’eau de La Havane (Cuba), ville qui l’avait accueilli pendant quinze ans ; il fut le premier aux États-Unis à utiliser la galvanoplastie, une technique qui permet de recouvrir les métaux avec un léger film d’un autre métal pour en éviter la corrosion ; enfin, il inventa un nouveau système plus hygiénique pour la conservation des cadavres, grâce à des solutions chimiques.

F.C.