“Nella Piazza del Campo / ci nasce la verbena / viva la nostra Siena / viva la nostra Siena / nella Piazza del Campo / ci nasce la verbena / viva la nostra Siena / la più bella delle città« . 

Et tandis que Sienne dort, le Canto della verbena est pour tous l’hymne qui réunit les contrade rivales, ravivé par la réapparition inattendue de l’herbe sur le pavement de la place au cours du difficile printemps 2020, sous la menace du Covid.

Appréciée pour ses vertus aphrodisiaques et magiques présumées, la verveine – connue des Celtes comme plante médicinale qui « soigne les blessures de la tête » – était sacrée pour Isis et capable, selon les anciens romains, d’ « extraire les sorts et prédire l’avenir ». Utilisée au Moyen Âge comme « herbe du magicien », ainsi que le rappelle le botaniste Pietro Andrea Mattioli, pour préparer filtres d’amour et sorts funestes, elle était aussi qualifiée de « bonheur de l’apothicaire » car elle était un remède aux multiples pouvoirs et aux qualités anti-inflammatoires, digestives, sédatives et analgésiques.

À l’origine, la piazza del Campo était effectivement un grand champ et les façades principales des édifices étaient tournées vers la vallée. Si le premier pavement fut achevé en 1349, la première trace d’un aménagement de l’espace se trouve dans un document datant de 1169 dans lequel il est fait référence à un Campus Sancti Pauli qui comprenait aussi l’actuelle piazza del Mercato (le partage des deux espaces au moyen d’un mur remonte à 1193). C’est dans les coins les moins fréquentés du Campo, pas encore pavés, que poussait probablement la verveine : d’après l’écrivain gastronome Giovanni Righi Parenti, elle y était expressément plantée – de même que l’estragon, la rue, la verveine citronnelle, toutes contre le mauvais œil – afin que la cité soit protégée des sorcières. Plus encore, la chronique nous raconte qu’en 1230, les sorcières payées par la Commune lancèrent avec succès l’herbe contre les troupes florentines qui tentaient d’entrer par la Porta Camollia. Puis arriva Saint Bernardin pour prêcher contre la sorcellerie, et les autorités religieuses inscrivirent les sorcières dans la liste des ennemis à combattre. Conçue comme un espace neutre où se rassembler pour donner lieu à des jeux et événements politiques, la piazza del Campo fut construite selon des dimensions adaptées pour accueillir l’entière population à l’intersection des trois rues principales, pivot des trois terzi médiévaux qui composaient la ville. Sienne avait réussi à atteindre les dimensions de Paris mais elle fut entravée dans son développement par les ravages de la peste noire. D’après le chroniqueur Agnolo di Tura, jusqu’à 80 000 Siennois trouvèrent la mort entre avril et octobre 1348 (parmi lesquels ses cinq enfants).

Fruit le plus abouti de la passion siennoise pour la beauté, la surface actuelle de la place est pavée d’un dessin de briques rouges disposées en arêtes de poisson : un coquillage divisé en neuf tranches de dix lignes de travertin qui convergent vers le point le plus bas (où se trouve le Gavinone, sorte de bouche d’égout qui évacue l’eau de pluie hors de la place) au pied du Palazzo Pubblico, siège du gouvernement civique. Chaque secteur représente l’un des gouverneurs qui exercèrent le pouvoir au cours du Gouvernement des Neuf, l’une des administrations les plus stables et pacifiques en Italie. Mais l’éventail représente aussi le manteau à plis de la Vierge Marie, protectrice suprême de Sienne.

M.R.