Discussion avec le fondateur du Giffoni Film Festival, Claudio Gubitosi.

La voix de Claudio Gubitosi, 71 ans, est l’une des plus influentes quand on parle de jeunes. Lui-même a été un jeune homme de 18 ans aux intuitions presque miraculeuses, puisqu’à cet âge il a réussi à fonder un Festival de Cinéma aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Il l’a fait à Giffoni Valle Piana, dans la province de Salerne, un petit village qui comptait alors à peine une poignée d’habitants et sur lequel personne n’aurait probablement jamais parié un sou. Mais lui, oui. Et l’une des premières choses qu’il nous dit depuis son bureau est justement celle-ci : « Ce sont les contenus qui créent les contenants, et non l’inverse. » Le thème de la prochaine édition du Festival, la 53e, est celui des jeunes « indispensables ». Parce que les adultes, à force de considérer les jeunes comme le « futur », sont en train d’oublier leur indispensabilité dans le présent. « Les anciennes générations ne doivent pas regarder les jeunes de haut en bas, mais se rendre sur le terrain, les écouter, parce qu’ils attendent seulement que quelque chose change », appelle Gubitosi. « Il faut les faire travailler, leur donner la possibilité d’une sécurité, de trouver un véritable emploi », parce que, dans les faits, c’est la seule façon de « permettre aux jeunes de penser à l’avenir et à une famille », en particulier en période de baisse des naissances. Et Giffoni, en ce sens, a toujours été à l’avant-garde : « Le Festival a évolué en même temps que les jeunes, cherchant toujours à anticiper les sujets à placer au cœur du débat afin de faire d’eux les véritables protagonistes. » Et protagonistes, les jeunes le sont vraiment : cette année, 7 000 « giffoners » de tous les âges, originaires de plus de 50 pays, jugeront les films. Une communauté immense, un exemple uniquedans le panorama mondial. Et pas seulement : ce sont encore les jeunes qui travaillent au Festival, un total d’environ 140 personnes, des « Campaniens locaux » pour la plupart, embauchés de façon régulière, parce qu’à Giffoni, « on ne fait pas de bénévolat ». Et parmi les différents mérites de cet événement, il y a aussi celui d’avoir rapproché les jeunes du cinéma, à une période historique de grave hémorragie de spectateurs dans les salles italiennes. La recette pour résoudre le problème pourrait être simple : « Un jeune ne peut pas se permettre d’aller au cinéma deux fois par semaine et de dépenser 20 à 25 euros – dit Gubitosi. Ici à Giffoni, voir un film au cinéma ne coûte que 4 euros » donc, « faisons une expérience, mettons des règles : jusqu’à 16 ans le ticket doit être politique, les prix doivent baisser. » Mais il y a une chose que le directeur du Giffoni Festival n’est pas prêt à justifier : le mode opératoire des jeunes d’Ultima Generazione, qui ont sali monuments et lieux symboles pour attirer l’attention sur la question de l’urgence climatique. « Il faut rester dans le respect des règles – affirme Gubitosi. On peut faire des révolutions gentilles, il y a déjà trop de guerres. Les jeunes qui salissent les murs s’expriment de façon complètement erronée. Il y a une urgence de communication, là est la question. Moi je voudrais voir ces jeunes à la télévision, vu qu’ils ne sont interviewés que quand ils sont accusés d’un délit. » Pour finir, Gubitosi cite François Truffaut, réalisateur français qui a écrit à propos du Giffoni Festival « entre tous, c’est le Festival le plus nécessaire. » « Il est resté 3 jours ici – conclut Gubitosi – et je me souviens encore de l’une de ses phrases : « Tout ce qui est fait pour les jeunes n’est jamais assez. »

LE GIFFONI FILM FESTIVAL

Le décor charmant du village de Giffoni Valle Piana, dans la province de Salerne, accueillera cette année aussi le Festival du Cinema consacré aux jeunes âgés de 3 à 18 ans, qui se déroulera entre le 20 et le 29 juillet. Le « rêve » (devenu réalité) du directeur et fondateur Claudio Gubitosi est une fenêtre sur le monde des jeunes, qui ne sont pas seulement spectateurs, mais véritable partie intégrante de cet événement unique en son genre : 7 000 « giffoners » seront présents pour juger les films en compétition, insérés chacun dans le jury correspondant à son âge (il y a en tout 7 jurys). Mais pour comprendre l’importance du pouvoir d’attraction du Festival, financé en premier lieu par la Région de Campanie et par le ministère de la Culture, il suffit de penser qu’en 2019, le public comptait plus de 4 000 personnes et que pendant la période du Festival, la retombée économique sur le territoire a atteint environ 14 millions d’euros. Et ce n’est pas tout : en 2022, le Festival a enregistré 1 milliard et 70 millions d’OTS (Opportunity To See), terme qui désigne les personnes qui ont vu Giffoni à la télévision, dans les journaux ou en ligne, pour une valeur totale d’environ 34 millions d’euros. Mais la mission du Festival se poursuit bien au-delà de la durée de l’événement. Giffoni, avec le projet School Experience, fait en sorte que chaque année, dans au moins 5 régions, plus de 20 000 jeunes puissent se rapprocher du cinéma à travers le visionnage des films qui ont participé à la compétition et permet ensuite aux plus jeunes de passer à l’action à travers la rédaction d’un scénario écrit, joué et tourné par eux.