Durant cette dernière décennie, le roman policier italien a fait couler beaucoup d’encre : écrivains, critiques, universitaires, éditeurs, très partagés encore sur la valeur de ce genre littéraire, sont en revanche unanimes pour dire qu’il s’agit d’un phénomène sans précédent.

Le giallo, dont le nom fait référence à la couleur de couverture, jaune, de la première collection consacrée au genre, chez l’éditeur Mondadori à la fin du XIXe siècle, a toujours été un genre marginal en Italie : on a bien sûr à l’esprit les œuvres de L. Sciascia ou de C. E. Gadda, mais ils ont toujours été considérés comme des écrivains, avant d’être des écrivains de polar.
Il faudra attendre les années 1960 et le « cas » Scerbanenco pour que le « policier » trouve son auteur national, capable de mettre au centre des enquêtes l’Italie urbaine et ses fantasmes. Durant cette période, c’est plutôt la transposition du giallo à l’écran qui aura le plus grand succès et occupera l’imaginaire collectif. Au cinéma, c’est le genre poliziottesco des années 1970, souvent de qualité médiocre, où l’on retrouve un mélange d’esthétique américaine, d’érotisme et d’action ; ce cinéma vise davantage le divertissement que la dénonciation des noirceurs de la société. La télévision, de son côté, fait entrer le monde de l’enquête dans les familles italiennes : la série consacrée au commissaire Maigret et interprétée par Gino Cervi (entre 1964 et 1972) et l’invention du Tenente Sheridan (1959-1972), sur une toile de fond pseudo-américaine, sont des jalons importants dans la création d’une esthétique collective du cinéma et des romans noirs.
À ce propos, il faut rappeler que, parmi les scénaristes et les collaborateurs artistiques de ces séries se trouvait un certain Andrea Camilleri, qui, dès 1992 (année où il est lauréat du prix littéraire Strega et à partir de laquelle il commence à publier la série du commissaire Montalbano) deviendra le « vieux monsieur » du giallo italien et le plus grand succès éditorial de ces dernières années. Camilleri est aussi celui qui a réussi à sortir le giallo de la littérature de genre et qui a ouvert la voie à la génération actuelle d’écrivains de polar.

Antonella Capra

Bottone Radici