Difficile de comprendre ce pays pour qui n’est pas italien. Lieu de tous les paradoxes, de toutes les incohérences, de tous les opposés, il prête volontiers à confusion…
Au risque, pour les observateurs, de tomber dans le cliché. Mais ne dit-on pas que dans tout cliché, il y a un fond de vérité ?

Je les entends déjà, ceux qui crient : « Voilà, c’est toujours la même chose, on parle mal de l’Italie, on caricature ». Bien sûr, pour les « patriotes » qui veulent toujours voir dans les Italiens cette « brava gente », ces êtres géniaux pleins de classe, une formule comme celle-ci a de quoi heurter la sensibilité, voire même déranger. Et puis certains diront (à juste titre d’ailleurs), « autre pays, autres vices ». Chaque peuple, au fond, est un mélange de « bellezza », plus ou moins « grande », et de misères pas toujours reluisantes.

Mais, admettons-le, s’il y a un peuple en conflit permanent entre vice et vertu, toujours sur le fil du paradoxe entre le meilleur et le pire, c’est bien le peuple italien. Les clichés dissimulent parfois, c’est vrai, plus que ce qu’ils voudraient montrer, mais il est bon de nous les rappeler de temps en temps. Ne serait-ce que pour les dépasser. Un cliché, par exemple, dans lequel tombent beaucoup d’étrangers en visite en Italie, est celui de croire que l’Italien est toujours un type spontané et décontracté. C’est faux. Cette image, pas tout à fait vraie ni objective, peut entraîner de nombreux malentendus. Les Italiens savent, au contraire, être très prudents ; ce sont de grands épargnants, capables d’évaluer toujours le pour et le contre avant de s’engager. Et il est totalement faux de dire qu’ils sont décontractés : nos rues sont pleines de bigots et de traditionalistes.

Un autre aspect qui surprend les étrangers qui nous observent avec réticence est le fait que, d’un côté, ils voient le luxe, les grandes marques comme Ferrari, Prada, Lamborghini, l’ingénierie de précision, la haute couture, et, de l’autre, une économie figée, un pays quelque peu éteint qui affiche le taux le natalité le plus bas de son histoire, et parmi les plus bas d’Europe. Sans parler de la politique, résolument imprésentable, lieu de paradoxe par excellence : on nous demande, par exemple, comment il est possible que l’Italie puisse produire dans le même temps Silvio Berlusconi et Mario Draghi. Cette question m’a d’ailleurs été posée personnellement. Certes, mon interlocuteur aurait pu mieux faire, étant donné que même s’il y a, entre le Cavaliere et le président de la BCE, des différences considérables, par les temps qui courent, c’est comme changer son cheval borgne contre un aveugle. J’aurais préféré une comparaison entre Berlusconi et, je ne sais pas, un Renzo Piano ou un Sandro Pertini s’il faut vraiment rester sur le terrain de la politique.

Flavio Apriglianese

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