L’homme joue et parie depuis plus de 5 mille ans. Mais la fièvre du jeu de hasard ne fut réglementée qu’au Moyen Âge. Et depuis, l’État tenancier en profite.

«Le vice existera tant qu’existeront les hommes » disait Tacite. Il aurait dû ajouter : et tant que l’État vivra, il pourra en tirer des bénéfices. La raison de cette omission est double. À l’époque de l’historien latin, au Ier siècle de notre ère, l’un des vices par excellence, le jeu de hasard (de l’arabe az-zahr, dé) n’était pas taxé comme il l’est aujourd’hui. Et les paris, qui concernaient la plupart du temps des compétitions sportives et des combats, étaient des loisirs privés. Ils n’avaient pas pour objet le sort (comme c’est le cas de nos jours avec le tirage des chiffres du loto) mais plutôt la prestance physique des athlètes, un peu comme pour les paris sur les courses de chevaux. Pourtant, quelques siècles seulement furent nécessaires pour qu’entre ces deux réalités, l’État et le hasard, naisse un mariage indéfectible dont les effets se font encore sentir. Effets, selon certains, pervers.
Mise en place de l’impôt
Les origines du jeu de hasard, au sens où nous l’entendons, remontent au Moyen Âge. Précisément au XIIIe siècle, quand les communes de toute l’Europe – en plein « petit » boom économique – commencèrent à imposer les premières taxes sur le jeu de dés, le plus répandu alors, sous prétexte de le réglementer. Mais pourquoi ne se contentèrent-elles pas de l’interdire ? Pourquoi le rendirent-elle « affaire d’État » justement à cette époque – durant les siècles les plus chrétiens de l’histoire de l’Occident –, défiant l’hostilité séculaire de l’Église envers ce vice ?
« En réalité, la perception négative du jeu resta inchangée : le hasard continua à être considéré comme contraire aux bonnes mœurs. L’idée de le taxer naquit précisément du désir de le garder sous contrôle, étant donné qu’il était impossible de l’interdire » explique Gherardo Ortalli, professeur d’histoire médiévale à l’université Ca’ Foscari de Venise. « La reprise des commerces et de l’économie, qui avait suivi les crises des décennies précédentes, avait facilité la diffusion du jeu de hasard. Ceci donna lieu à un paradoxe : la réglementation du jeu permit de créer les bases pour que l’État puisse s’enrichir à travers une activité qu’il disait vouloir limiter. »
La question religieuse restait ouverte. « Théologiens et juristes se demandaient si l’argent était ou non à considérer comme “ excrément du diable ”. Le risque et le jeu de hasard étaient, de plus, critiqués dans leurs conséquences : ils conduisaient les familles à la ruine, provoquaient des rixes et poussaient au blasphème. »

Giuliana Rotondi

Bottone Radici