Beaucoup d’éditorialistes mais aussi d’élus français le disent : d’un côté de l’échiquier politique à l’autre, les tentatives de rapprochement en direction des gilets jaunes leur rappellent la formation du Mouvement 5 étoiles voire même la coalition actuelle au pouvoir en Italie. Il faut toutefois se garder de s’enflammer, tel un brasero sur un rond-point.

« Les gilets jaunes ont trouvé sans le chercher un parrain (Jean-Luc Mélenchon) et une marraine (Marine Le Pen) » n’hésite pas à dire Alain Duhamel sur les réseaux sociaux. Et il n’est pas le seul. Quel autre rapport entre les deux leaders politiques ici évoqués ? Peut-être la notion de « populisme » dont ils sont souvent affublés. Terme qui nous ramène aussi à la coalition actuel au pouvoir en Italie, de même que les gilets jaunes incarneraient une « dénonciation des élites par le peuple ». La boucle est bouclée ?

« Un dérive à l’italienne est possible »

Seulement, il n’existe aucun leader politique au mouvement des gilets jaunes, mouvement qui se veut d’ailleurs (pour l’instant ?) apolitique. Mais s’il devenait une coordination nationale ou une organisation construite pour durer, « manque un leader politique » remarque Alain Touraine dans l’Obs de cette semaine. Et quand on demande au sociologue comment il voit l’avenir des Gilets Jaunes et qui pourrait les récupérer politiquement voilà ce qu’il répond.

« Le Rassemblement National étant malheureusement le mieux placé. Nous n’en sommes pas encore là mais n’excluons pas le danger du fascisme. Une dérive à l’italienne est possible. On peut toujours ergoter sur les définitions : pour moi un fasciste, c’est d’abord un type qui parle d’autres êtres humains comme s’ils étaient des bêtes. On entend cette deshumanisation dans la bouche de Salvini et dans celle de leaders nationalistes xénophobes qui ont pris le pouvoir dans certains pays danubiens ».

La France Insoumise n’est pas les Cinq Etoiles

Sans oublier la présence en son sein de sympathisants de Debout La France, la contestation des derniers jours a aussi un « penchant » à gauche, plutôt tourné celui-ci vers La France Insoumise. Certains de ses militants s’affichaient sur les routes et au rond-point gilets sur le dos. Bien curieux attelage que celui de ses trois formations politiques qui, sans véritablement se côtoyer, se retrouvent sur un même lieu de contestation autour des mêmes (nombreuses) revendications. « Le risque d’une convergence des extrêmes, de droite comme de gauche, est de plus en plus menaçant » déclare sans détour le député LREM de Paris Pierre Person dans les colonnes d’Aujourd’hui en France ce jeudi. Quand il se demande « si ce mouvement spontané va s’effilocher ou bien se structurer et se politiser », Alain Duhamel l’envisage « comme les Cinq Etoiles italiennes ». Mais LFI n’est pas Cinq Etoiles, je l’ai d’ailleurs dit plusieurs fois sur ce blog. Macron n’est pas non plus Matteo Renzi, qui, même s’il voulait incarner une forme de renouveau venait d’un parti ancien. Enfin, après sa perte de vitesse dans l’entre-deux tours de la Présidentielle, Marine Le Pen n’a jamais eu la dynamique de Salvini et encore moins de partenaire potentiel pour prendre le pouvoir. Qui plus est dans un pays où, contrairement à l’Italie, la coalition n’est pas une tradition ancestrale.

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.