La Sérénissime n’est pas un simple musée à ciel ouvert. Pour s’en convaincre, il suffit d’entendre battre son cœur. La cité bouge en permanence, à l’image des flots qui la cernent ou la protègent, c’est selon.

D’abord, Venise se mérite. Il faut savoir patienter et regarder. Avant le magma touristique de la piazza San Marco, profitez des éléments, enfoncez-vous doucement dans la lagune, ressentez les remous… ces mêmes ondes qui ont accouché depuis toujours de crevettes, coques, langoustes ou encore seiches, soles, lottes, sardines, toutes les richesses des fermes piscicoles environnantes. À peine partis de l’embarcadère de l’aéroport, les premiers pêcheurs s’offrent au regard des passagers des vaporetti. Seuls les bateaux-taxis de luxe qui les dépassent, arrogant d’écume et de chevaux-moteurs, brisent l’image de carte postale. Ces bolides orgueilleux sont les premiers signes extérieurs de richesse. Il y en aura bien d’autres au cours du séjour. Peu importe… Avant d’être une ville opulente, Venise est une nature, tout autant unique qu’en péril.
À l’intérieur du bateau qui me conduit à elle, l’émerveillement gagne tous les passagers à mesure que la cité approche. « C’est quoi ça ? » ne cesse de répéter un enfant. Jeune ou moins jeune, ici pas le droit à l’indifférence face à un tel panorama, même les locaux vous le diront. Devant ce décor exceptionnel, les gens parlent peu, comme par respect. D’ailleurs une fois à terre, c’est ce même calme qui surprend. Ainsi, au pied du palais des doges, quand la brise souffle, la cohorte incessante de badauds ne parvient pas à perturber la quiétude qui règne ici. Dans cette cité ouverte sur la mer, les bruits parasites s’envolent vers le large. En tendant l’oreille, on perçoit même le craquement des pylônes de bois qui balisent le chenal.

Patrick Noviello

Bottone Radici