Êtes-vous déjà allés en Calabre ?
Je crains qu’à cette question, nombre d’entre vous ne répondent par la négative. Et je ne suis pas surpris. Non pas parce que vous ne souhaitez pas la découvrir, non, mais parce que ma région natale a dû expier pendant des siècles les ravages de mauvais exemples qui ont mis dans l’ombre un patrimoine humain et naturel d’une incommensurable beauté. Je vous conseille alors de remédier dès que possible à votre distraction et de vous organiser des vacances alternatives, dans une autre Italie, en somme. Et puis la Calabre possède cette particularité : elle est toujours différente, à chaque pas, à chaque kilomètre. Sur cette langue de terre qui va de l’Aspromonte au Pollino en traversant la Sila, depuis la mer Tyrrhénienne jusqu’à la mer Ionienne, les paysages se transforment sous nos yeux dans leurs couleurs et leurs visages, dans les fleuves et les mers, les montagnes et les collines, comme dans les sillons des charrues qui défient le temps, la terre et le vent. Ce vent qui l’a souvent caressée mais aussi blessée.
Dans cette diversité des paysages calabrais il n’y a rien de contradictoire, mais à une seule condition : respecter la fidélité de cette nature sauvage que la Calabre a conservée, bon gré mal gré. Parce que la beauté de la Calabre est ambivalente : ce qui attire l’étranger est méprisé par les gens du lieu, et ce dont rêvent les Calabrais, c’est-à-dire de moderniser leur terre et de la rendre attrayante au tourisme de masse bouleverserait sa spontanéité si attachante. J’espère que l’itinéraire de ce numéro vous mettra l’eau à la bouche. La Calabre a tellement à offrir : elle a reçu des millénaires de splendeurs et de beauté. Je n’ajouterai rien, étant moi-même partisan. La voir pour me croire, donc.
La Calabre est également terre d’expériences humaines universelles. Des villages intrinsèquement beaux, qui se sont montrés capables de donner des réponses à des problèmes qui, à notre époque, intéressent le monde entier. C’est le cas de Riace dont vous trouverez le récit, par Martina Lucano, la fille de Mimmo, son maire visionnaire. Le maire le plus aimé des Italiens a été arrêté par une magistrature, une bureaucratie et une politique aveugles aux besoins de l’homme. Cet article montre non seulement l’attachement filial, mais aussi la conscience que Riace et son leader redeviendront cette « cité du soleil » et de l’accueil déjà annoncée dans l’utopie littéraire d’un autre illustre Calabrais, Tommaso Campanella.
Le réalisateur d’Aspromonte, la terra degli ultimi, Mimmo Calopresti, nous rappelle et se rappelle à lui-même que le rêve habite ici, dans sa Calabre poétique faite de visions et de tant de gens extraordinaires.
Puis une clef de lecture profonde du Sud, au travers du regard incisif et sans demi-mesures d’Enrico Fierro, qui nous fait part de son analyse pointue. Il y aurait une question méridionale que la pandémie aurait exacerbée encore un peu plus ? Qui sait…
Alors qui de plus qualifié pour parler du Sud que l’actuel Ministre du Sud, Giuseppe Provenzano, dans une interview pour RADICI : y sont abordées les questions essentielles pour les prochains mois et les prochaines années que sont l’utilisation des fonds alloués au Mezzogiorno, les infrastructures et le développement, l’avenir de la jeunesse.
Vous trouverez aussi, dans ce numéro spécial d’été, les questions d’actualité et de société italiennes, comme toujours. La plume de Lorenzo Tosa vous racontera que l’été 2020 est celui des femmes, de celles qui ne cessent de lutter pour que justice, droits et générosité l’emportent. Récit d’une Italie qui résiste, malgré tout.
Parmi les exemples d’excellence qui nous viennent, en revanche, du passé, il y a la vie d’Adriano Olivetti, l’inventeur de la célèbre machine à écrire Lettera 22, mais aussi l’histoire de Fernanda Wittgens, la femme qui a sauvé la Pinacoteca di Brera à Milan des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Toujours à Milan, un hommage à l’opéra et à une famille d’éditeurs, la famille Ricordi, qui a su éduquer l’Italie et le monde à la musique, et en divulguer la mélodie. À propos de guerre, comment ne pas rappeler à notre mémoire, ne serait-ce que pour l’instruire et la stimuler, l’absurde entrée en guerre de l’Italie en ce lointain 10 juin 1940, il y a quatre-vingts ans !
Le dossier spécial de ce numéro est consacré à la langue italienne. Vingt-deux pages pour vous raconter son histoire, depuis le moment où elle était une enfant jusqu’à ce qu’elle devienne adulte, s’adaptant continuellement aux transformations de la société, sans jamais cesser d’être cette langue « dove il sì suona », comme disait Dante. Vous trouverez son histoire, donc, mais aussi de nombreuses curiosités de l’italien d’hier et d’aujourd’hui.
Et puis les pages Sapori qui cette fois nous racontent l’histoire de l’huile d’olive, italienne bien sûr, et la meilleure façon de la choisir.
Il ne me reste qu’à vous souhaiter, en plus d’un bon et sain appétit, de passer des vacances sereines et reposantes. Nous nous retrouverons avec le numéro d’automne, heureux de savoir que nous pouvons compter sur votre fidélité et sur votre soutien.

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Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.