A l’heure où l’Italie accueille l’Expo Universelle de 2015 à Milan, plus que jamais peut-être, résonne le souvenir de celle de 1942, qui n’eut jamais lieu.
Fidèle à sa folie des grandeurs, Mussolini avait alors débordé de gigantisme et d’excès pour la mettre en œuvre. Il avait, tout simplement, voulu voir naître une nouvelle ville, au sud de Rome.

Là encore, ne cherchez pas ce quartier baptisé « EUR » (Expo Universelle de Rome) sur votre plan, il n’y figure pas. Prenez simplement la ligne B du métro jusqu’à Laurentina ou arrêtez-vous une ou deux stations avant et vous vous retrouverez plongés dans ce rêve inassouvi et par certains aspects seulement, inachevé.

Sombre histoire et décors de cinéma

Photo P.N

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L’architecture « fasciste » des années 30-40, nous en avons tous vu des images, notamment celles des actualités parlantes d’alors. Certains de ces décors maudits ont même été utilisés pour des tournages de film, soit historiques, soit tout autre, comme l’Eclipse d’Antonioni avec Monica Vitti et Alain Delon. Il faut dire que, comme au cinéma, l’art du faux a été pratiqué avec rigueur par le « Duce » sur ce territoire de la ville alors vierge : faux Panthéon en guise de palais des congrès, un colisée carré pour le Palazzo della Città del lavoro, une gigantesque obélisque à Piazza Marconi.

Si tous ces monuments, parce que c’est comme cela qu’il faut malgré tout les appelés, sont toujours visibles, ils se sont toutefois fondus au milieu de ce qui semble être en train de devenir, si ce n’est un quartier d’affaire, une zone de bureaux, avec quelques sièges d’entreprises principalement publiques.

D’ailleurs, si une fois encore, je suis parvenu à m’écarter des meutes de touristes, je me retrouve mêlé à la horde de costards-cravates qui, à peine sortis de l’autoroute, tournent de manière effrénée dans les rues pour trouver une place de stationnement.

Un colosse aux portes closes

J’essaie d’en stopper quelques uns sur un parking, dont les dernières places libres sont chères, pour leur demander où est l’entrée du “Museo della Civiltà Romana”. Aucun n’est capable de me répondre. Comme eux, mais dans un but bien différent, je tourne autour de ce bloc interminable dont deux ailes sont reliées par une série de colonnes impressionnantes bordées de marches interminables qui me ramènent à mon point de départ : ce fichu parking.

Sur le vaste escalier en béton, traînent des dizaines de bouteilles de bières et autant de petites assiettes en plastique dans lesquelles sont servies, le soir, les portions de nourritures gratuites proposées avec l’aperitivo. Si l’on a pris l’habitude de festoyer ici, c’est bel et bien que le musée est fermé, et certainement depuis un moment déjà… « Ristrutturazione » m’a suggéré, sans en être convaincu, un des passants que j’ai arrêté. Me voilà donc stoppé, une fois encore, dans mon élan muséal… Cette quinzaine n’aura pas été placée sous le signe de la visite de ces lieux.

Il est déjà plus de dix heures, les travailleurs ont déjà regagné leurs bureaux ou le palais des congrès pour un séminaire certainement très important… Je me retrouve à déambuler dans ces grandes artères désertes où les véhicules ne font maintenant que passer en trombe. J’ai toutefois en tête un dernier havre où me réfugier (s’il est ouvert) : le Museo Nazionale delle Arti e Tradizioni Popolari.

Traditions populaires

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Au pied des colonnes, la guerre des parkings. Photo P.N

Là encore, abrité dans un monument du plus pur style mussolinien, et même s’il retrace, en quelques photos, la construction des pavillons de l’EUR 1942, l’établissement n’est pas dédié à l’œuvre du dictateur mais plutôt à celles du peuple. A travers de nombreuses et vastes salles richement garnies, qui ne s’allument qu’à votre passage, sont ici relatés la vie quotidienne et les rites ancestraux de l’Italie.

Comment on y travaille, de l’artisan au paysan en passant par le pêcheur ? Comment on s’y loge des grandes propriétés de la campagne toscane aux cabanes des Pouilhes ? Comment aussi on y célèbre ses saints lors des processions, ou plus généralement comment on y fait la fête avec les carnavals ?

Objets d’époque, quelques films vidéos, tout ici se veut le plus concret possible. A contempler absolument les imposants plateaux ou châsses sculptés portés par des dizaines d’hommes lors des processions, mais aussi les superbes crèches napolitaines et, plus anecdotique, une gondole royale que je n’aurais pas aimé avoir à manœuvrer dans les canaux vénitiens, vues ses dimensions.

Rendez-vous raté avec Garbatella

Nul doute qu’on ressort de cet endroit en connaissant mieux l’Italie et son peuple. Quant à l’EUR, je ne vous cache pas que le quartier commence à me déprimer et puis l’heure tourne, je dois me rapprocher du centre pour ne pas arriver en retard à mon cours d’italien. Au retour, dans le métro, qui circule en partie en surface, j’aperçois le quartier populaire de la Garbatella.

Comme à Naples, certains murs bordant les boulevards y sont entièrement recouverts de tags, sur des centaines de mètres. L’endroit semble en pleine mutation. Un immense lot d’entrepôts désaffectés trône au centre du faubourg, les ex Magazzini Generali. Qu’est voué à devenir cet espace ? J’aurais bien aimé m’y arrêter mais une fois encore, le temps me manque. A mon prochain séjour…

Au milieu des bâtiments de style antique, des tours modernes. Photo P.N

Au milieu des bâtiments de style antique, des tours modernes. Photo P.N

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.