Jamais comme cette année, il a été difficile de trouver les mots pour conclure au mieux cette année 2020. Malgré tout, ici, à la rédaction, nous nous sommes efforcés de les trouver. Nous l’avons fait en cherchant à avoir le cœur léger, mais jamais superficiel, ancrés dans la certitude que 2021 nous mènera dans des eaux meilleures. En attendant, de ces eaux, nous avons pensé vous faire découvrir la « città d’acqua », Trévise, au nord-est de l’Italie. Trévise est « ville d’eau » parce qu’elle est traversée par le fleuve Sile. Son écoulement tranquille représente le calme, la sécurité, l’allongement du temps des Trévisans, maîtres dans l’art de nouer des relations profondes et fidèles. Exactement comme le fleuve Sile, qui relie le long de son cours les différents villages qu’il rencontre. Et dans cette « terre liquide » – non pas parce qu’elle serait vacillante ou incertaine, fluide ou volatile –, impossible de ne pas se laisser entraîner par une autre excellence liquide, un peu plus alcoolisée que l’eau du fleuve, mais incontournable : le Prosecco. On le sirote tranquillement en apéritif, le regard posé sur l’eau du canal, sur l’équilibre de l’architecture, mais aussi sur le meilleur verre de « bulles made in Italy ». À propos de Prosecco, saviez-vous que depuis 2019, les collines viticoles qui s’étendent entre Valdobbiadene et Conegliano sont classées au Patrimoine de l’Unesco ? Un numéro riche, également, en anniversaires. Trois, pour être précis. D’abord, il y a quatre-vingt-dix ans, le 7 octobre 1930 débutait le tournage du premier film sonore italien, en pleine période fasciste. C’est l’actrice originaire de Rovigo Etra Pitteo, à la scène Dria Paola, qui lui prêta sa voix. Le second anniversaire concerne les 40 ans d’un coup d’État manqué. Dans la nuit du 7 au 8 décembre 1970, le prince Valerio Junio Borghese tenta de renverser les fondements démocratiques de l’Italie. Les années 1970 étaient particulièrement marquées par la violence et le chaos : désordres politiques et économiques, manifestations étudiantes et syndicales, oppositions d’extrême gauche et d’extrême droite, actions violentes des deux côtés. Dans ce vacarme, l’Italie se cherche ; elle cherche un système politique qui lui convienne et sa place dans la nouvelle géopolitique internationale d’après-guerre. C’est en compagnie de l’historien de l’université de Bologne Mirco Dondi, qui entre avec cet article pour la première fois dans la rédaction de RADICI, que nous revenons sur cet épisode peu connu mais symptomatique d’une période d’agitation au cours de laquelle la démocratie italienne a risqué de tomber sous la poussée d’un coup d’État. Francesca Vinciguerra nous invite à découvrir le troisième anniversaire célébré dans ce numéro : en 1870 naissait Maria Montessori, une femme, une Italienne qui a révolutionné le monde de l’enfance. Cent cinquante ans après, sa personne et ses théories sur l’éducation sont encore tellement modernes. Un vécu extraordinaire, capable de se rebeller contre le conformisme, mais surtout l’élaboration d’un système d’enseignement de plus en plus prisé. Pour sa part, Maria Giovanna Cogliandro a été prise du désir irrépressible de nous raconter brièvement mais intensément l’histoire de la satire en Italie. Une synthèse passionnante pour ne pas oublier que seul un rire libre et rebelle peut sauver notre liberté. Vous découvrirez ainsi une époque pas si lointaine au cours de laquelle les journaux satiriques italiens étaient aussi irrévérencieux que Charlie Hebdo. Enfin Lorenzo Tosa nous propose son point de vue, une analyse de cette année 2020 à peine écoulée. Malgré cet annus horribilis, qui pourrait dire le contraire, Tosa a voulu faire l’effort de trouver dans certains événements marquants de cette année des raisons d’espérer. Raconter en ne se concentrant que sur le bon à prendre, nous a permis de mettre en lumière les opportunités offertes par la crise sanitaire. Par exemple, une plus grande conscience du rôle des femmes dans notre société et l’émergence d’une plus grande solidarité. « C’est peut-être ça, la double face de la lucidité : voir le monde tel qu’il est, reconnaître le pire qu’il faut combattre et définir le meilleur qu’il faut défendre ou rétablir » comme le dit si bien Vincent Engel dans son billet. J’en profite pour vous annoncer qu’au printemps 2021, Lorenzo Tosa publiera en France, pour notre maison d’édition, son premier livre. Des pages d’une Italie qui existe et qui résiste au délitement social et culturel auquel elle fait face : vingt-sept témoignages qui nous font revenir au plus profond de ce que signifie être humain. Son titre : Voyage à travers l’Italie qui résiste. Tous, nous devons faire l’effort de voir cette année 2021 avec un regard positif, non pas comme le début de la fin mais comme le début d’un « nouveau départ ». Vous pouvez en tout cas compter sur notre engagement et notre détermination à apporter notre contribution. Nous espérons pour notre part tout votre soutien au travers de votre abonnement à la revue et de votre aide pour nous faire connaître. Pourquoi pas en choisissant RADICI comme cadeau intéressant, utile et singulier pour l’année 2021. Bonne année à vous tous, de notre part à tous.

Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.