L’Architecte Esquié à sa table de travail, 1886, Henri Martin.

Dans quelques minutes, je vais me marier. L’émotion est là, prête à m’étreindre. Je contemple, un peu étourdi, ma future épouse, ma famille, mes amis, ainsi que les hommes et femmes qui ont compté dans ma vie. J’ai besoin de focaliser mon attention sur quelque chose d’apaisant. Sur le point de rentrer dans la salle des Illustres du Capitole, mon regard se tourne vers les tableaux de la salle Henri Martin.

Parmi eux, « le rêveur ». Le peintre s’y est représenté lui-même marchand en bord de Garonne, au milieu d’autres célébrités dont Jean Jaurès. Je repense à ses hommes, à leurs destins qui les ont amenés à finir sur ces toiles, ici, pour redonner sérénité à des types comme moi, sur le point de faire le grand saut.

 

L’Italie inspiratrice

Quelques années plus tard, ma quête d’Italie me ramène vers Henri Martin. Je feuillète négligemment la Gazette de l’Hôtel Drouot et tombe sur un article intitulé : « Henri Martin et le voyage en Italie ». J’y apprends que le peintre lui-même mais aussi d’autres artistes illustres de ma patrie d’adoption, Toulouse, sont allés chercher l’inspiration mais aussi parfois la technique dans la péninsule.

Formé aux Beaux-Arts de la ville rose, puis à Paris Martin va véritablement connaître son déclic artistique en partant visiter l’Italie en 1885. Là-bas, il croise de nombreux esthètes en apprentissage comme lui ou alors des peintres plus confirmés qui lui feront abandonner l’académisme dont il s’extrait pour s’orienter vers ce qui allait devenir son style inspiré par le néo-impressionnisme.

Son ami Pierre Esquié

Dans la cité éternelle, il retrouve un autre toulousain : Pierre Esquié. Architecte, celui-ci sera Grand Prix de Rome en 1882 puis passera trois ans dans la villa Médicis. C’est ce même Pierre Esquié qui, une fois de retour en France, remportera notamment le concours pour la réalisation de la salle des Illustres du Capitole. La salle portant le nom de son ami Henri Martin et décorée de ses toiles y mène. Le monde est petit, les liens entre Toulouse et Rome, ténus.

Pour la petite histoire, le tableau vendu aux enchères à Drouot ce vendredi 9 juin représente Pierre Esquié peint par Henri Martin à sa table de travail. La légende ne dit pas s’il l’a représenté à Rome ou à Toulouse. Et, clin d’œil de l’artiste, les toits que l’on aperçoit à travers la fenêtre de l’architecte font autant penser à ceux de Rome que de Toulouse.

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.