Oublions un instant nos paysages de carte postale, nos projets de vacances en Toscane, les souvenirs de séjours extraordinaires à Rome ou Venise. Le panorama de l’Italie que nous livrent ces derniers jours la presse française fait froid dans le dos. Et pas seulement la presse hexagonale d’ailleurs. En attestent ces témoignages que j’ai lu la semaine dernière dans « Courrier International », tous extraits de titres italiens.

Voyez ce pauvre Giuseppe que nous raconte La Repubblica. Il a 24 ans, ses parents se sont sacrifiés pour lui payer des études de droit, son village l’a fêté quand il est devenu avocat. Aujourd’hui, nous raconte ma consœur Concita de Gregorio, il est serveur dans un pub de nuit à Rome. « Je ne serai jamais avocat. Je suis fils de personne, comme on dit par chez nous. Dans la magistrature, les concours sont bouchés » avoue Giuseppe. Dans son village personne n’est au courant de sa situation, encore moins ses parents.

Est-ce cela l’Italie aujourd’hui ? De manière plus globale, mon ami politologue Laurent Dubois décrit formidablement la tendance de l’opinion dans « La Voix du Midi ». « Sur les plateaux de télévision, les mauvaises langues réduisent les élections italiennes à un tempérament national. Les anglais mélangent les pulls jaunes et les chaussettes rouges. Les Allemands trempent les bretzels dans la bière et les Italiens ne comprennent rien à la crise. Vu de la France, la secousse électorale de nos voisins est une affaire de tempérament national. C’est faux ».

Paradoxalement, il y a aussi les journaux qui essaie de trouver des similitudes entre la France et l’Italie. Voilà que Bersani est comparé à Hollande pour sa « normalité », Grillo est surnommé « le Coluche italien ». Je ne sais plus quel confrère cité ce samedi matin dans la revue de presse d’Ivon Levaï rectifiait en expliquant : « Coluche était un vrai humoriste qui essayait de faire de la politique, alors que Grillo est un vrai politique qui fait croire qu’il est humoriste avant tout ». Et puis certains sont même allés à comparer le retour de Berlusconi avec l’hypothétique come-back de Nicolas Sarkozy.

Et puis ni misérabilisme, ni comparaison franco-italienne, il y a d’autres titres français ou italiens qui ont une autre vision de choses. Prenez l’excellent « Il Fatto Quotidiano » qui nous relate le périple plein de rage mais aussi d’espoirs et de confiance en l’autre de Daniel Tarozzi. Ce jeune journaliste parcourt l’Italie du nord au sud en camping à la rencontre des vrais gens. Extrait : « Je me trouve en Toscane depuis le 2 décembre. Il y a tellement d’initiatives intéressantes ici, difficile de choisir. La  Toscane est la patrie des écovillages, des entrepreneurs éthiques et des politiques en faveur des handicapés ». Allez voir Daniel Tarozzi sur son site, ça lui fera plaisir et ça vous fera plaisir (www.italiachecambia.org).

Seulement l’Italie, ou du moins le mode d’action de ses politiques ne changeront par du seul fait de la bonne volonté ou de la solidarité citoyenne, ce serait utopique que de le croire. Ils ne changeront pas non plus par les populismes, différents mais tout aussi inefficaces voire dangereux, de Berlusconi ou Grillo. Alliance ou pas, combinazione ou pas, il faudra du courage politique pour faire bouger les choses. Et tu le dis bien Rocco dans notre dernier numéro : « Eh bien les futurs élus par les secrétaires de parti, et non par le peuple souverain, seront véritablement des modèles d’éthique si, une fois élus, ils ont le courage de se rendre au parlement pour approuver une loi, une loi électorale. Et si, avec autant de sagesse que d’exemplarité, ils démissionnent en masse le lendemain pour donner aux détenteurs légitimes, c’est-à-dire aux citoyens, le droit de choisir qui doit gouverner le pays ».

Nous n’en sommes hélas pas encore là mon ami. Voyons déjà comment va débuter l’après-scrutin. Je relève quand même pour conclure, un point positif pour nous, amoureux du Bel paese : on n’a jamais autant parlé de l’Italie en France, même lors d’un scrutin électoral. Est-ce un signe que nos deux pays se rapprochent ou que l’Union Européenne commence à signifier quelque chose ? Ou est-ce tout simplement par inquiétude économique. A chacun de voir. A chacun de voir aussi quelle image de l’Italie, il souhaite garder dans un coin de sa tête.

 

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Patrick Noviello est journaliste à France3 Occitanie. Il enseigne à l’Ecole de Journalisme de Toulouse dont il est issu. Il collabore à Radici depuis 2012. Sa dernière conférence théâtralisée « C’est moi c’est l’Italien » aborde, à travers l’histoire de sa famille, les questions liées aux migrations.