75 ans après sa naissance, la République italienne est confrontée à un nouveau défi social et politique décisif. Et nous savons qu’elle ne peut vivre que de valeurs partagées, telles que l’égalité, la liberté, le sens d’être une communauté. Des idéaux malheureusement en crise. Certes, à la naissance de notre République, en ce lointain 1946, certaines de ces idées circulaient encore. Mais il ne faut pas se voiler la face, même si les célébrations sont nécessaires. Malheureusement, la trace de ces idées se perd de plus en plus, dans les mauvais exemples de la deuxième et troisième République. L’ignoble marché des groupes de lobbying semble inattaquable et fait honte à la République, l’effondrement des partis qui ne savent plus à quel saint se vouer, incapables de cohérence et donc de crédibilité, la fragilité galopante d’un système en état d’urgence perpétuelle, l’erreur de confondre l’ordre et la sécurité avec la liberté, l’État de plus en plus centralisateur en faisant passer l’égoïsme privé comme source de prospérité collective, bref, ce chaos indigeste d’égoïsme myope et de mauvaises idéologies rend le parcours démocratique de l’Italie plus difficile. Allora BUONA FESTA DELLA REPUBBLICA! Mais d’une République faite d’opportunité, et non d’opportunisme qui hélas prévaut et envahit le pays de nos jours. D’une République où l’éducation, la santé, les droits sont garantis par des gouvernements capables de remplir leur raison d’être. D’une République et d’un pays plus uni, centrés autour des valeurs cardinales de solidarité, d’humanité, d’équité, de justice, de confiance – bref, les valeurs que nous perdons au nom de l’individualisme, de l’intérêt personnel, de l’égoïsme. On le répète souvent : l’Italie est un pays plein de belles choses. Oui, c’est vrai, mais il y a aussi beaucoup d’Italiens qui ne travaillent pas pour l’unité. Il faut le dire. C’est pourquoi je souhaite que nous puissions redécouvrir cette unité fondamentale, un pacte social renouvelé, centré sur un désir d’appartenance capable de donner du sens et de l’espace aux différences, sans les considérer comme une source de peur et un motif de discrimination. Hélas, si l’on regarde en arrière, on voit – avec honte – trop de dirigeants qui existent uniquement pour protéger leurs intérêts politiques et personnels. Si l’on veut gagner la vraie guerre que notre Constitution Républicaine a lancée, il faut surtout des femmes et des jeunes de tous horizons occupant des postes d’autorité pour s’assurer que les décisions, les entreprises, le pays reflètent vraiment la société et que les personnes puissent s’y refléter avec fierté. Et une fois pour toute, j’aimerais voir une République qui ait la capacité de penser à long terme, d’une manière innovante et inclusive, car c’est juste ce qui manque à la classe dirigeante d’aujourd’hui. Toujours dans l’urgence. Plus que tout, j’aimerais une République avec les étiquettes à l’envers. Oui, une république où il ne faut pas se déclarer féministes, écologistes, en faveur des droits pour tous, mais où ces choix sont la normalité, le point de départ d’une minime décence humaine. Une République où les étiquettes sont réservées aux misogynes, aux fascistes, aux homophobes, aux racistes et xénophobes de tout poil. Je sais, pour beaucoup d’entre vous, cela parait un rêve et un idéal impalpables, mais c’est pour moi très pragmatique, même le seul moyen capable d’imaginer et de commencer à concrétiser une Italie différente. Nous devons commencer par-là : comprendre où nous en sommes aujourd’hui en tant qu’Italiens – ce qui nous divise, ce qui nous fait peur, ce que nous espérons, ce qui peut nous unir – et comment nous pouvons construire l’Italie, l’Europe que nous voulons. C’est la meilleure façon de célébrer la Fête de la République, pour une Italie dont nous pouvons être fiers, dont nous voulons faire partie, et dans laquelle chacun a une place et un rôle à jouer. Et peut-être un jour, regarder en arrière, et prendre conscience que chacun de nous, en 2021, 75 ans après la naissance de la République, a pris la résolution de faire quelque chose pour laisser derrière lui un pays meilleur. Nous n’avons pas besoin de Sauveurs de la Patrie, mais de citoyens épris de civisme et altruisme.

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Rocco Femia, éditeur et journaliste, a fait des études de droit en Italie puis s’est installé en France où il vit depuis 30 ans.
En 2002 a fondé le magazine RADICI qui continue de diriger.
Il a à son actif plusieurs publications et de nombreuses collaborations avec des journaux italiens et français.
Livres écrits : A cœur ouvert (1994 Nouvelle Cité éditions) Cette Italie qui m'en chante (collectif - 2005 EDITALIE ) Au cœur des racines et des hommes (collectif - 2007 EDITALIE). ITALIENS 150 ans d'émigration en France et ailleurs - 2011 EDITALIE). ITALIENS, quand les émigrés c'était nous (collectif 2013 - Mediabook livre+CD).
Il est aussi producteur de nombreux spectacles de musiques et de théâtre.